Lorsque Justine quitte l’Alsace ce matin-là, elle ne s’imagine pas combien la vie peut être différente. Différente de ce qu’elle a connu, de ce qu’elle a imaginé, de ce qu’elle croyait possible. Le Cap, c’est un autre monde, pas seulement l’autre bout de la France avec la mer et le soleil. C’est une élite autoproclamée que l’on doit suivre, bon gré mal gré. Quitte à tout détruire sur son passage.


Dans l’immense villa des Castillon où l’on se parle sans s’écouter, elle pense ne pas avoir sa place. Sa mère, insondable, veille à ce qu’elle file droit. Rapidement, Théo Castillon se rapproche de Justine. Il lui présente Léonard, puis Daisy. Désormais, elle marche avec les Indifférents. Comme si l’en avait toujours été ainsi. Les adolescents ne maîtrisent pas leur pouvoir. Ils marchent, insolents, la tête haute, méprisent le petit peuple. Ils déambulent d’une soirée à l’autre, enquillant drogues et alcool comme on donne une poignée de main.


Justine oublie la province et la tapisserie défraîchie. Elle oublie le besoin, presque l’envie. Jusqu’à l’arrivée de Milo, qui fait tache sur la carte postale. Lui lui rappelle qu’elle n’est pas de ce monde, elle qui décrit ceux qu’elle croise dans les rues avec la bonhomie de Brel qui chantait Ces gens-là. Elle a beau se pavaner au bras d’un fils de, elle n’est qu’une fille d’employés. Devenue l’image qu’on lui renvoie d’elle, elle souffre toutefois de devoir tourner le dos à celui qui lui ressemble, car sa nouvelle amitié n’est pas du goût des autres. On ne mélange pas les torchons avec les serviettes. On ne lâche pas les Indifférents. Ou bien en paie le prix.


Les Indifférents sont cette adolescence intolérante, provocatrice, cruelle. Ils sont cette liberté dont on ne jouit qu’une fois. L’insouciance qu’on craint et qu’on jalouse. Perchés en haut du Cap, ils se croient à l’abri du drame. Ils sont le poids de la famille, qu’on brandit et qu’on renie. Ils sont apparence et méandres, opportunisme et vérité. Ils sont cette passerelle qu’on est forcé d’emprunter sans trop regarder en bas. Ils sont à l’image de ce décor idyllique que la marée peut ensevelir à tout moment. Un décor magnifié par les mots de Julien Dufresne-Lamy. On referme ce roman avec le goût du sel sur les lèvres, pas tout à fait sûr d’avoir détesté les personnages. Qu’importe, on aurait pu les suivre n’importe où.


Subtil et violent.

R00T
10
Écrit par

Créée

le 13 mai 2018

Critique lue 106 fois

Root LKM

Écrit par

Critique lue 106 fois

D'autres avis sur Les Indifférents

Les Indifférents
habibaelb
10

C'est cruel et féroce.

L'histoire, c'est celle de Justine, une jeune Alsacienne qui débarque à Arcachon. Projetée dans les problèmes matrimoniaux de ses parents, ce départ elle ne l'avait pas anticipé. Pourtant sa mère,...

le 21 avr. 2019

Les Indifférents
elle-m-lire
10

un vrai bijou !

Mais quelle découverte ce livre ! Merci Belfond et Netgalley ! Nous sommes à Arcachon, un groupe d’adolescents, insouciants, qui profitent de la vie, se lancent des défis, indifférents à ce que...

le 10 janv. 2019

Les Indifférents
R00T
10

Subtil et violent

Lorsque Justine quitte l’Alsace ce matin-là, elle ne s’imagine pas combien la vie peut être différente. Différente de ce qu’elle a connu, de ce qu’elle a imaginé, de ce qu’elle croyait possible. Le...

le 13 mai 2018

Du même critique

L'Empreinte
R00T
7

Critique de L'Empreinte par Root LKM

Fille d’avocats, Alexandria Marzano-Lesnevich (ne l’appelez pas Ali) s’est intéressée très tôt au métier. Si sa connaissance du droit « vient exclusivement des livres », c’est portée par ses...

le 22 janv. 2019

1 j'aime

Apocryphe
R00T
9

Critique de Apocryphe par Root LKM

Qmrân, désert de Judée, an 37. Voilà sept ans que Mariamne a fui ses terres pour élever son fils loin de la folie des hommes qui a hissé Yeshua sur la croix. Ainsi grandit David, à l’abri des...

le 9 janv. 2019

1 j'aime

Je t'aime
R00T
7

Une bonne dose de torture psychologique

4 femmes, 4 personnalités. 4 vies. 4 amours différents qui les mènent sur des chemins impensables. 4 vies bouleversées, brisées. Elles s’appellent Maude, Alice, Nicole, Solange. On les découvre tour...

le 27 mai 2018

1 j'aime