Fille d’avocats, Alexandria Marzano-Lesnevich (ne l’appelez pas Ali) s’est intéressée très tôt au métier. Si sa connaissance du droit « vient exclusivement des livres », c’est portée par ses convictions qu’elle atterrit à La Nouvelle-Orléans : elle est venue dans le Sud pour lutter contre la peine de mort. Stagiaire dans un cabinet spécialisé dans les cas de peine capitale, elle fait face à l’horreur sous les traits de Ricky Joseph Langley, condamné pour le meurtre du petit Jeremy Guillory.
Peut-on se préparer psychologiquement à devoir défendre un assassin ? Peut-on souhaiter sauver la vie d’un homme qui a pris celle d’un enfant de six ans et en a jadis abusé d’autres ? Peut-on, dans la pratique, se dire oui, c’est désormais mon travail, coupable ou non, cet homme ne mérite pas qu’on lui ôte la vie à son tour ? Le sort de Langley n’est pas la question, la justice a tranché. Mais il y aura hélas d’autres Langley et d’autres Jeremy, et cette affaire résonne en Alexandria Marzano-Lesnevich, la renvoyant à sa propre histoire. Il lui faut comprendre ce qui motive un tel acte. Elle va alors se pencher sur le passé de Langley, qu’elle mettra en parallèle avec son enfance, émaillée par les silences de ses parents. Ce choix d’un récit alternant ces deux existences, qu’a priori rien ne relie, perturbe : savons ce qui se trame à deux pas de chez nous ? Qu’ont vécu les uns, les autres, qui ait pu les conduire ici ? à cela ? Qu’est-ce qui nous amène, nous, dans cette situation-ci ? à éprouver cela ? En s’interrogeant sur Ricky Langley, elle espère trouver des réponses à ce qui la ronge en silence.
L’Empreinte est un livre dérangeant. Pour son thème, pour les détails qu’il se devait de contenir. J’ai calé sur certaines phrases, il y a des choses qu’on n’est jamais préparé à lire et qu’on ne peut même pas accepter de visualiser. J’ai été ébranlée par cette façon toute personnelle d’aborder les faits, et qui engendrera sans aucun doute de nombreuses lectures différentes. Le travail de l’auteur est admirable : elle s’est mouillée, disséquée pour avancer, s’est émotionnellement impliquée dans les sources à sa disposition pour brosser le portrait humain d’un homme que je ne pourrais même pas regarder dans les yeux, et remettre en question sa propre famille. Elle a mené cette douloureuse investigation avec une surprenante impartialité, et je crois qu’en tant qu’individu socialement, moralement conscient, il faut partager ce mal nécessaire en se plongeant dans l’autops(y)ie de vies qui auraient pu être la nôtre.