Jesse, 14 ans vit dans une maison isolée sur un grand terrain où il évolue de manière assez libre, quelque part dans le sud des États-Unis et à une époque indéterminée. Malgré son jeune âge, il a déjà un passé marqué par la tragédie.


Fragile psychologiquement, sa mère s’est suicidée et il n’en a guère de souvenir. Ses grands-parents paternels sont morts tous deux dans un dramatique accident de voiture. Quant à son père, Richie Pelham, dont il est particulièrement proche, il meurt au tout début du roman. Cet armurier passionné de chasse a transmis ce virus à son fils en l’initiant tout jeune. En fait Jesse n’en peut plus d’attendre pour obtenir son autonomie dans ce domaine, ce que son père a bien senti. Ainsi, en cachette, Pelham a construit une sorte de belvédère dans un arbre où Jesse pourra dominer la situation et tirer selon son inspiration le gibier qu’il observe.


Sans famille directe, Jesse voudrait protéger sa demi-sœur Abbie Lee, fille de Grace, deuxième épouse de son père et sœur de Carroll, le pasteur venu porter la bonne parole dans le coin. Un pasteur du genre ambitieux, qui voit grand, avec une nouvelle église à construire avec l’argent que les fidèles apportent sous forme de dons.


Pour attirer les nouveaux fidèles, il ne recule devant rien : un peu de spectacle classique genre gospel pour attirer les foules, des prêches inspirés où il se montre comme habité et surtout des séances où il fait le nécessaire pour que les uns et les autres observent des faits qui pourraient s’apparenter à des miracles, comme des guérisons spontanées. Il ne néglige pas à l’occasion une repentance forte vis-à-vis de l’alcool, comme celle qu’il provoque auprès de Vandy, frère de Pelham et alcoolique notoire. Cette séance ayant fait son effet, Pelham en a profité pour se rapprocher de la séduisante Grace, à moins que ce soit l’inverse. Ainsi, très naturellement, Pelham a trouvé à se remarier.


La faune locale est complétée par un banquier peu scrupuleux et un shérif aux pratiques plus que douteuses. On apprend incidemment d’où vient le titre du roman, car le terrain argileux sur la propriété Pelham, est riche en kaolin, ce qui intéresse fortement une société qui y voit une belle aubaine pour de juteuses affaires. Mais, très bien là où il était, Pelham n’avait aucune intention de céder sa propriété, même pour une somme conséquente.


Bref, sans comprendre d’où pourrait venir le danger, en homme méfiant, il est allé voir son notaire et a fait quelques confidences à Jesse peu de temps avant sa disparition. Ensuite, la situation se complique avec l’irruption sur la propriété Pelham de Billy, vagabond aussi grand que maigrichon. Les circonstances le mettent en présence de Jesse avec qui il fait bientôt ami-ami. Mais Billy n’est pas un vagabond ordinaire. S’il se fait aussi discret que possible, c’est qu’il a quelque chose à cacher. D’ailleurs, on comprend vite que la police est à sa recherche et que son vagabondage s’éternise depuis plusieurs années.


Grâce à un style très fluide où toutes les descriptions apportent de la vie plutôt que de chercher des effets grandiloquents, une succession de 47 chapitres relativement courts qui apportent régulièrement des éléments nouveaux, ce roman de l’Américain Peter Farris se révèle très prenant et bien construit, de manière cinématographique, avec ses flashbacks qui permettent progressivement d’en savoir un peu plus sur le passé. D’emblée, la disparition de Pelham apporte la suspicion. On suit Jesse confronté à une situation qui le dépasse largement du fait de sa relative innocence et on appréhende les conséquences de son amitié avec Billy, le seul adulte auprès de qui il se sent en confiance. Il faut dire que Jesse n’adore pas que la chasse. Il évolue dans la nature comme dans son élément et il n’a pas oublié la leçon donnée par son père lorsqu’il a abattu son premier cerf : le plaisir de la chasse ne prend tout son sens qu’avec le respect dû à l’animal. On ne tue pas pour le plaisir, mais pour la nourriture que cela apporte. En ce sens, Billy et Jesse sont sur la même longueur d’ondes. A tel point que Billy trouve en Jesse quelqu’un en qui il a vraiment confiance et il finit par lui raconter ce qu’il a vécu et surtout pourquoi il fuit la compagnie des hommes, même s’il admet qu’il ne peut pas fuir toute sa vie. La narration nous permet de comprendre progressivement les tenants et aboutissants des faits qui mènent à un véritable sac de nœuds. L’auteur décrit les manigances des uns et des autres, en particulier pour influencer leur entourage voire plus. Les visées sont puissantes et les conséquences franchement marquantes. Il est donc question de séduction, aussi bien physique que morale, de manœuvres pour le pouvoir et des ambition financières des uns et des autres. En adoptant successivement les points de vues des personnages principaux, la psychologie des uns et des autres est étudiée avec soin. La tension montant crescendo, le roman nous offre un final avec action façon thriller, sauf que tout cela se passe en pleine nature. Du beau travail !

Electron
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le 5 juin 2024

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