Difficile de ne pas tirer de comparaison entre Véronique Poulain et Jean-Louis Fournier, l’un des grands noms publiés par les éditions Stock. Comme Fournier, la néo-romancière a longuement collaboré avec un monstre de l’humour français (Desproges pour lui, Guy Bedos pour elle). Comme Fournier, elle a été confrontée à une situation de handicap dans sa famille (deux enfants autistes pour lui, évoqués dans Où on va, Papa ?, la surdité de ses parents pour elle), et en fait le sujet de son livre. Comme Fournier, elle le fait avec un mélange d’humour décapant, de tendresse et de colère, qu’elle exprime dans de courts chapitres qui s’achèvent généralement par une chute marquante, comme si c’étaient des sketches.


J’ignore si Véronique Poulain s’est effectivement inspirée de la manière de son illustre confrère, et cela n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est la force qui se dégage de son livre, sa sincérité totale. Au fil des pages qui remontent le cours de sa vie d’enfant entendante de parents sourds, elle ne cache rien de ses hontes, de ses manques, de ses incompréhensions face à deux adultes qui vivent leur existence à leur manière. Elle rappelle ainsi que les sourds ne sont pas muets, et que leur expression vocale approximative peut causer quelques désagréments dans le quotidien – parfois pour le pire, parfois pour le rire.


Car ce récit manie les émotions avec un art consommé de la narration, qui évite tout pathos inutile, trouve souvent les meilleurs effets en peu de mots, et nous fait passer de la joie à la tristesse en quelques lignes. Les mots qu’on ne me dit pas est un livre lumineux, plein d’humour également, aussi bien aux dépens de la romancière que de ses parents, avec une authenticité qui contourne le piège de la méchanceté gratuite.


Enfin c’est un livre de fierté, un livre pour la bonne cause, qui évoque le combat mené entre autres par les parents de Véronique Poulain depuis les années 80 pour faire reconnaître leur handicap par les politiques et par la société, à l’image des avancées obtenues grâce à la médiatisation de la comédienne Emmanuelle Laborie.
Bref, voilà un texte bref, efficace, humain, qui ne manquera pas de vous toucher et de vous émouvoir ; et vous aidera peut-être à mieux comprendre ces drôles de gens normaux que sont les sourds.

ElliottSyndrome
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le 25 févr. 2020

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ElliottSyndrome

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