Les mystères de Varsovie

Et si Wojcieh Chmierlarz était américain ? Et si son nom était plus facilement mémorisable ? Avec des si, on mettrait Varsovie en bouteille mais, ce qui est certain, c'est que l'auteur polonais serait encore plus connu et surtout lu, au-delà des aficionados de polars, et ce ne serait que justice. Les Ombres est le cinquième et dernier volet consacré à l'inspecteur Mortka, à l'assaut des mystères de Varsovie, où meurtres, viols et corruption accompagnent une sarabande funèbre qui en dit long sur l'état de la société post-communiste du pays. Ce tome est sans aucun doute indissociable des 4 précédents mais le lire indépendamment ne pose pas de problèmes majeurs si ce n'est qu'il donne l'envie irrépressible de se plonger dans l'intégralité de la série. Le livre est dense, touffu et riche de protagonistes et tourne autour de deux enquêtes principales dont l'une renvoie à une affaire antérieure. Pas de panique, Chmierlarz est un virtuose qui passe d'un personnage à un autre avec aisance, disséquant la psychologie, l'intimité et les monstruosités plus ou moins apparentes de chacun. Malgré sa luxuriance narrative, Les Ombres ne perd jamais son lecteur en route, s'enrichissant à chaque page de nouvelles informations et nous entraînant dans un maelström d'émotions et de sentiments contradictoires. Femmes battues, jeunes hommes violentés, policiers avilis, hommes de pouvoirs cyniques : le tableau est lugubre mais Chmierlarz ne tombe jamais dans une complaisance suspecte et traque, autant que faire se peut, la dignité qui reste dans un système pervers qui broie, mâche et recrache ce qui reste d'humanité. Avec notamment L'eau rouge, sublime roman policier croate, les éditions Agullo continuent à offrir des livres de très haute qualité, à l'ombre des "grandes" maisons littéraires françaises. Qu'elles en soient chaleureusement remerciées !