Les dérives ultimes de la société artificielle

L’Angleterre, dans un futur peut-être proche. Le gouvernement anglais, pionnier en la matière, a décidé de rendre les véhicules autonomes obligatoires sur toutes les routes. Pas de volant, pas de frein, aucune intervention humaine. Seule l’intelligence artificielle gère l’ensemble… C’est dans ces conditions que se réunissent les membres de la commission chargée d’étudier les accidents de la route et de déterminer qui est en cause. Parmi eux, Libby Dixon, une infirmière psychiatrique qui a vu mourir trois personnes, deux femmes et un bébé, percutées par un véhicule autonome. Son hostilité l’oppose immédiatement au député Jack Larson, le principal instigateur de ses voitures sans chauffeur. Tandis que la commission discute des responsabilités de chacun, les membres sont interrompus par un flash: un Hacker a réussi à pirater le programme interne de huit véhicules. Il prévoit de faire se percuter tous les passager dans un carambolage, sauf un seul, qui sera sauvé par les votes des réseaux sociaux… À charge pour chaque passager de défendre sa cause du mieux qu’il peut s’il veut espérer survivre. Mais le Hacker connait aussi les secrets inavouables de chacun d’entre eux…

Voilà ma première claque littéraire de 2020 ! Thriller hallucinant, d’aucuns diraient: d’anticipation, les Passagers est aussi et surtout une réflexion amère et sans pitié de la société de consommation, de la politique et de certains choix que les gouvernements peuvent être amenés à prendre. Car l’intelligence artificielle de l’automobile ne se contente pas d’emmener son passager d’un point A à un point B tandis qu’il consulte ses mails, lit un livre ou écoute de la musique par exemple, elle sait aussi prendre une décision en cas d’accident… reste à savoir si c’est la bonne, où si cette décision peut être tronquée par des enjeux économiques et politiques. Très finement, l’auteur nous dépeint chaque personnage, initialement sous leurs bons jours pour susciter notre empathie, avant de nous révéler leur face cachée, quitte à en sacrifier certains. C’est par le regard de Libby que le lecteur assiste impuissant au drame qui se joue, jusqu’au revirement final et à la véritable justification de toute cette affaire.
Si je n’avais qu’une petite réserve à émettre, c’est dans l’identité du Hacker, que l’on peut soupçonner aisément assez rapidement, même si là encore plusieurs retournements de situation dans le dévoilement de son véritable nom et de ses motivations sont plutôt habilement menées. Du coup, son introduction et ses réactions dans le roman paraissent biaisées.
Mais ce n’est qu’un petit détail dans les 438 pages de cet extraordinaire pavé littéraire, un véritable coup de coeur. Surtout, n’hésitez plus !