Par une nuit de 2012, Shōta, Atsuya et Kōhei, trois jeunes délinquants, se réfugient dans une vieille boutique abandonnée depuis des lustres après un vol qui a failli mal tourner. Leur véhicule tombé en panne, ils cherchent à se faire oublier jusqu’au matin et au retour des transports en commun. Alors qu’ils s’installent tant bien que mal pour la nuit, un bruit les met en alerte: quelqu’un vient de déposer une lettre dans la boite découpée à même le volet métallique de la boutique. Par jeu, ils l’ouvrent, et constatent qu’il s’agit d’une demande d’aide de la part d’une mystérieuse inconnue, le « lapin de la lune » L’ancien propriétaire s’était fait une réputation quelques années plus tôt en se targuant de répondre à toute personne qui le sollicitait, selon le même modus operandi: une lettre glissée par le volet, une réponse dans la boite lait à l’arrière de la boutique. Après avoir lu la lettre, les trois amis décident de répondre. Mais à peine ont-ils déposé la réponse dans la boite qu’un nouveau courrier apparait par le volet : la réponse à leur pli. Alors que, sidérés, ils installent une relation avec l’inconnue, ils commencent à comprendre que par un phénomène aussi incroyable qu’inexplicable, les lettres ont été écrites trente-deux ans auparavant. Sans le vouloir, les trois garçons ont ouvert une sorte de faille temporelle, dont le bazar Namiya est l’épicentre. Au cours de cette unique nuit, alors que le temps semble suspendu, ils vont par leurs décisions, bouleverser la vie de plusieurs personnes, y compris la leur, de façon définitive.
Que voilà un roman qui fait du bien ! Un immense plaisir de lire quelque chose de différent. Si le pitch vous inquiète, je vous rassure tout de suite: malgré cette touche fantastique, ce roman est avant tout une superbe fable humaniste. Comment trois jeunes paumés vont se concerter pour répondre à chaque demande, se substituant ainsi au vieux Namiya disparu depuis longtemps, pour trouver la réponse adéquate pour chaque inconnu : Keigo Higashino imagine, presque à la façon d’anges gardiens, les conseils, tantôt maladroits, tantôt brutaux, prodigués à toutes celles et ceux qui sont à un moment de leur existence où ils sont perdus. Construit sous forme de cinq parties apparemment indépendantes, on se rend rapidement compte que chaque personne demandant des conseils au bazar est plus ou moins liée avec les autres. Le lien ? Le bazar de quartier, bien sûr, mais aussi un orphelinat situé pas très loin, où tous semblent avoir fait un séjour dans l’enfance, ou être intervenus. C’est là toute la force de l’auteur, qui a l’art de rendre crédible ce qui parait irréel. Sous sa plume on finit même par oublier complètement le côté fantastique pour ne retenir que cette tranche de vie de chaque protagoniste, enfermé dans une vie par trop ordinaire et n’aspirant qu’à en changer.
Les miracles du Bazar Namiya est indiscutablement un roman qui fait du bien au moral. On se prend, comme Shōta, Atsuya et Kōhei, à attendre chaque courrier et la manière dont les conseils même anodins ont été interprétés. Tantôt gaies, tantôt bouleversantes ou tristes, les cinq histoires nous donnent à espérer qu’il existe aussi, quelque part près de chez nous, cette vieille bicoque menaçant ruine où une ouverture dans le volet métallique nous permettra d’y jeter nos interrogations.
Un livre essentiel, un véritable coup de coeur , à poser d’urgence dans sa bibliothèque.
Mes remerciements à Actes Sud pour m’avoir permis de découvrir ce joyau de la littérature japonaise.