J'ai passé une lecture peu agréable. Néanmoins, je salue l'effort de réflexion qui mène le texte.
Cette pièce de théâtre remet en cause les dualismes : la nature comme la ville parviennent à s'ancrer en nous, le sujet comme l'objet semblent aptes à éprouver la subjectivité puis comme enfin, ce livre remet surtout en cause la distinction entre homme et femme par l'intermédiaire de la transition de Raphaell. Je qualifierais cette pièce de postmoderne dans la mesure où nous faisons face à des personnages, à des temporalités et à des espaces très morcelés. Chaque protagoniste peiner à trouver du sens à son existence. Vraiment, intellectuellement, je pense qu'il y a des choses à tirer de "Les Rêveurs". Or, il se trouve lorsque je lis, je cherche aussi le plaisir esthétique. Et je ne l'ai pas trouvé.
Lorsque je qualifie cette œuvre de postmoderne, je fais aussi référence à la forme de cet écrit : destructurée. Nous trouvons ici aucune séparation du texte en Actes/Scènes, aucune didascalie ou presque qui donne une indication sur le ton ou la gestuelle des personnages et les tirades finissent parfois par se désagréger. Bien entendu, ces procédés amènent à mettre en avant que le sujet est en proie à une crise existentielle et qu'il ne parvient à s'incarner. Cependant, cela se traduit ici par une platitude. Les personnages s'expriment presque tous de la même manière.
Le fond aussi, s'avère parfois plat, il est parfois dur de manifester une sensibilité à l'égard de larmoiements existentiels perpétuels sous fond de mise en abîme parfois lourde (mention de spectateurs/masques/acteurs/scène de théâtre pour montrer que la vie est une représentation, que nous portons des masques, blabla habituel).
Pourtant, la question de la transidentité à travers le personnage de Raphaell et les vagues de réminiscences de son passé aurait pu être intéressante. Sauf qu'il y a trop de fioritures. Déjà, Raphaell est en couple avec Claire, qui doit quitter Vinz qui a été amoureux de Loup et ce dernier a été pris de passion pour Raphaell avant sa transition. Et Loup s'est suicidé. Gros bordel. Bien entendu, on prend du temps à démêler les relations tant les "dialogues" (même lorsqu'ils s'adressent à un autre, on dirait qu'ils s'adressent à eux-mêmes) sont parfois nébuleux - ou alors, on les comprend à posteriori -. Ensuite, comme si cela ne suffisait pas, il faut évidemment ajouter du sordide : mention de drogues, de sexe à tout va, de prostitution masculine... C'est lourd. Comme le film "Sauvage". On ne peut pas juste évoquer une problématique sociale et la travailler en profondeur. Il faut les accumuler, quitte à ce que ça ne fasse pas sens. Enfin, c'est quelque chose qui m'exaspère très vite. Comme alterner une palabre poétique puis des allusions plus crues au sexe.
Bref, je suis certaine que des lectures comparatives avec Duras ou même Guattari (je le vois peut-être partout aussi, même très probablement) peuvent être faites. Je pense qu'il doit être aussi intéressant de travailler sur pourquoi les didascalies n'évoquent presque que la lumière, pourquoi l'aspect déstructuré de cet écrit. Néanmoins, d'un point de vue esthétique, je trouve cela plat ; ceci dit, je n'exclus pas que cela s'explique par le fait que je suis peu accoutumée à ce type de lecture.