De prime abord, c'est une certaine incompréhension qui étreint à la lecture de la quatrième de couverture de Les désertés. Comment est-ce possible ? C'est bien l'auteur d'un ouvrage aussi brillant et stupéfiant que La vie sexuelle des super-héros, chronique de la déchéance d'un système, de la fin de l'optimisme béat et de la décadence d'une civilisation, qui revient avec un récit aussi modeste et simple dans le propos ? Mais oui, et une fois la surprise passée, il est temps de se rendre compte que Marco Mancossola est vraiment un romancier hors pair qui, sur un sujet rebattu, réussit à nous captiver et à offrir du neuf au fil d'une intrigue maligne rehaussée par un style incisif, ironique et limpide. Soit donc deux amis dissemblables comme il n'est pas permis, l'exubérant et l'introverti, en route pour rencontrer un chaman quelque part au fin fond de l'Arizona, lequel guérisseur est susceptible de leur redonner le goût de la vie et la révélation d'un moi pas si haïssable que cela. Ce qui les réunit dans cette quête erratique dans le désert ? Le dégoût d'eux-mêmes et d'une existence de coquille vide. En somme, Mancassola écrit le roman de la dépression moderne, dans un monde connecté à l'irréalité, à la consommation et à la superficialité. Qui des deux guérira ? Lequel sombrera ? En attendant, le cheminement de ces deux âmes égarées sous un ciel où planent des condors, ne manque pas de sel. Cela ferait un bon road-movie, soit dit en passant. Arizona Dream ? Ah, zut, le titre est déjà pris. Ce qui fait le prix du livre de Mancassola est sa lucidité, son acuité et sa sincérité (autobiographique ?). Son dénouement dramatique et porteur d'espérances à la fois est vibrant et émouvant. Un petit livre, si on veut, mais de ceux qui atteignent leur cible avec précision : le coeur est touché et l'âme aussi.

Cinephile-doux
8
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le 5 janv. 2017

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