OLIVIA ELKAIM – LES OISEAUX NOIRS DE MASSADA

On avait quitté Olivia Elkaim, il y a deux ans. Les yeux emplis d'un Chambord inédit, d'un château à des lieues de la meringue romantique pour touristes pressés, hanté par les mannes des disparus, des justes et des résistants qui furent sauvés – ou pas, comme la Joconde, dans ses caves pendant la seconde guerre mondiale. Les « graffitis de Chambord » , son premier opus chez Grasset (réédité aujourd'hui chez J'ai Lu), fut une belle surprise de la rentrée de septembre 2008

Sur le mode choral, les destin de trois générations d'hommes d'une famille juive, se télescopent des années trente à nos jours. Un canevas tiré au cordeau, dont le motif se densifie au fil de la lecture, révélant à lui-même le dernier surgeon, Trevor celui qui semblait pourtant le plus fade. Grâce aux histoires alternées de son père, Simon, un clerc pudique, qui comme toute une génération choisit le silence comme thérapie, et surtout de son grand-père ISAAC, le résistant, le gardien des arts, devenu infidèle, on comprend avec eux la force de la mémoire.

Bouche bée, l'âme coite, on assiste alors à l'ouverture d'une sensible boîte de Pandore : l'absolu pouvoir de la transmission et la force de la rédemption.

Deux ans plus tard, Olivia Elkaim attaque l'autre versant. Massada, ce rocher emblématique de la résistance juive aux romains, sera son EIGER au féminin, une montagne aride à gravir, dangereuse même, la face féminine de l'ordalie familiale. Mais à défaut du jugement de Dieu, l'homme, ou plutôt la/les femme(s), sont tour à tour les acteurs cruels et les victimes expiatoires de cette pièce

« Les oiseaux noirs de Massada », emprunte cette fois aux poupées russes son jeu narratif. L'Histoire de Klara, notre contemporaine, porte en elle celle de Mouna/Edna, sa grand-mère, celle qui l'a vraiment élevé, mais celle qui lui a tout caché du passé. Car jusqu'au jour où Klara a le coeur qui explose d'un dépit amoureux à la force dévastatrice, Mouna jamais n'avait parlé de la guerre et de ses secrets enfouis, et jamais Klara n'avait pu lui faire raconter. Chanteuse vedette de la comédie musicale « les oiseaux noirs de Massada » montée en Israel, dans le rôle étrange et sublime de la dernière femme de Massada, la dernière égorgée, Klara n'était avant LUI, le grand Amour, qu'une « Kleine chanteuse » de cabaret, jazz au Blue Bird avec son groupe Cohen'CO, traditionnelle dans les barmitsvas bobos. En total abandon, elle prend de plein fouet les rets de son amant, Ron, marié, forcément. La guerre dans la bande de Gaza, précipite sa fuite et son choix. La désespérance de Klara la rend muette, elle ne chante plus, la voix, l'âme cassée. Mouna, sa Mouna, sa grand-mère fera le chemin jusqu'à elle pour consoler l'inconsolable. Et enfin lui raconter, nous raconter sa propre histoire : Isaac, son amour, sa guerre, sa perte. Le pélérinage, réel cette fois, au rocher propitiatoire qu'est Massada, sera le réceptacle de cette parole, de cette confession nécessaire, absolue pour que Klara puisse continuer. Et comme corollaire, l'arbre de Jessée et sa métaphore contemporaine : l'arbre généalogique, les racines, la famille.

Encore une fois, Olivia Elkaim réussit cette gageure de magnifier des histoires par l'Histoire, de relier des temps et des lieux plus intimement encore que ses amants, de nous accrocher au coeur et à l'âme un poison subtil et addictif : l'émotion.
amblard
9
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le 2 juin 2011

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amblard

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