Ma vie avec Clint
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
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Henri Martin de La Bastide d'Hust fut poète, professeur des civilisations du Maghreb et inamovible président des Langues’O (l’INALCO). Dans ce qui semble être son testament littéraire, il décèdera l’année suivante, il décrit quatre civilisations (à nous) étrangères : la Parole arabe, le Geste indou, le Signe chinois et japonais et le Rythme africain. Le livre est passionnant et d’un abord aisé, je ne développerai que quelques idées piochées dans la première partie consacrée à la société arabe, pour vous inciter à lire le tout.
L’arabe est pour un musulman la langue de Dieu. La Bastide estime que celle ci a pris une telle importance qu’il définit l’Arabe comme « celui que la langue arabe fait vibrer (comme un instrument de musique) » (page 25), ce qui étend le terme aux arabisés et aux meilleurs des arabisants. Revers de la médaille, l’algérien Malek Bennabi attribua le long déclin de sa civilisation au syllogisme : « L’islam est parfait, or nous sommes musulmans, donc nous sommes parfaits ».
L’islam, bien que postérieur au christianisme, est un retour à une religion naturelle. « La société musulmane est communautaire, alors que la société chrétienne, dont est sortie la civilisation occidentale, repose sur la notion de « personne » qui a une origine gréco-latine combinée avec l’enseignement des Evangiles. Il en résulte qu’un musulman est sans inquiétude spirituelle, alors que le chrétien vit dans le sentiment permanent du péché » (page 32). Faute bégnine, une impureté sexuelle sera lavée par une simple ablution rituelle, avouons moins pénible qu’une confession. L’écart aux règles admises est toléré, s’il demeure discret, car, ce faisant, la morale commune est sauve : « Si vous péchez, cachez vous ». Dieu ne voit que ce que la communauté voit. Un péché avoué est donc impardonnable, ce qui ne simplifie pas la communication avec les Occidentaux pour qui péché avoué est déjà à demi pardonné. Ce que nous taxerons, à tort, d’hypocrisie est une bienséance.
Les deux principaux commandements chrétiens invitent à aimer Dieu et son prochain (c’est à dire tout le monde). La version musulmane exige de rendre témoignage de sa foi et de faire respecter la charia au sein de sa communauté, d’abord par un avertissement, puis une correction sans effusion de sang, enfin, selon certains docteurs de la loi, la mort. La loi chrétienne a engendré d’innombrables œuvres caritatives, son pendant musulman peut justifier le terrorisme.
La langue arabe ignore la notion de labeur quotidien, elle ne connaît que le service d’un puissant (khedma) et donc le fonctionnariat, l’occupation du temps auquel se rattache le commerce (chrel) et le commandement (amal), le poste le plus convoité. " Rappelons l’ordre du khalife au général Amr lors de la conquête de l’Egypte, au début de l’islam : « Tu conserveras les juifs et les chrétiens qui aideront les musulmans à devenir pieux en les déchargeant des soucis matériels » " (page 46). Sous le califat, les Arabes seront administrateurs, commerçants, guerriers, juges, confiant aux dhimmis l’artisanat, l’agriculture et les taches serviles, l’histoire ne dit pas s’ils y gagnèrent en piété.
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le 6 juil. 2016
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