Les premières pages sont déroutantes : nous sommes dans la tête de Michiel Steyn et nous allons suivre le fil de ses pensées sur près de 400 pages, glissant d'une ligne à l'autre du présent (l'enterrement de sa mère et le retour en Afrique du Sud post-Apartheid), au passé récent (dans ses conversations avec son psychanalyste, dans sa relation avec son compagnon à San Francisco) et plus lointain (depuis l'enfance dans la ferme familiale). Les rois du Paradis (la majuscule a son importance) est un roman puzzle dans lequel il fait bon se caler, une fois assimilés le style délié de Mark Behr et la construction gigogne de son livre. Le nombre de thèmes brassés par l'auteur est impressionnant : l'intime se mêlant au politique et au social. Le racisme ordinaire, l'homosexualité honnie dans l'Afrique du Sud des années 80, les ravages du sida en sont quelques uns. Mais Behr parle avant tout de nostalgie, cette vénéneuse drogue, de lâcheté, de rédemption et de pardon. Et comment vivre avec sa propre culpabilité, affronter les fantômes de la mémoire, panser les blessures infligées aux autres sans se faire trop d'illusions : le mal est fait et la réparation trop tardive. Enfin, faire le deuil des défunts (une mère, un frère) sans pouvoir se débarrasser des souvenirs. Bref, affronter le regard de ceux que vous avez trahis et continuer tant bien que mal. Mark Behr use de toute sa palette : les scènes s'enchaînent, brutales, délicates ou élégiaques. Le puzzle mental de son héros s'assemble peu à peu. On ne sait s'il aura gagné en sérénité mais il aura eu le courage de ne pas fuir ses démons, le temps d'un bref retour au pays natal. Les rois du Paradis est un livre complexe comme l'âme humaine, lucide, étouffant et finalement apaisé. Magistral de sensibilité.

Cinephile-doux
8
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le 12 janv. 2017

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