Christian Signol quitte les Causses du Lot, les montagnes de la Corrèze ou la vallée de la Dordogne et installe, cette fois, l'action de son roman en terre de Languedoc, du côté de Narbonne.
Cette fois, Christian Signol nous invite dans un monde différent, celui des viticulteurs, entre 1870 et 1918.
Comme souvent dans le monde agricole, en ces temps-là, la terre appartient à quelques propriétaires qui font travailler toute une population d'ouvriers journaliers. Comment souvent chez Signol, nous allons nous immerger dans plusieurs familles à commencer par celle des propriétaires mais aussi du ramonet (contremaître) et des familles de journaliers.
Le travail y est dur et les maîtres inflexibles pour que "ce sang de la terre" gicle du pressoir vers les tonneaux. Un monde de savoir-faire pour entretenir la terre, tailler correctement les ceps et finir par la vendange. Un monde de savoir-faire mais aussi un monde de traditions et de fierté du travail bien fait.
La houle verte des feuilles l’emporta dans un sentiment de bonheur qui était chaque fois aussi profond, aussi intense. Comme les hommes du domaine, il entretenait avec les ceps et les raisins des rapports quasi charnels qui le poussaient à palper, à caresser, à laisser glisser entre les doigts la terre brune nourricière.
Rien n'est jamais gagné en ce bas-monde où l'orage dévastateur est toujours à craindre au mauvais moment quand le raisin est presque mûr. Alors lorsque le phylloxéra s'invite à table pour tout détruire ou que le vigneron doit lutter contre la concurrence sournoise des vins d'Algérie ou, pire, contre les indélicats qui "mouillent" ou "sucrent" les vins, on a vite fait de passer d'une situation de cuves vides par manque de récolte à une situation de cuves pleines par manque de ventes.
Dans ces cas-là, la misère pour tout le monde n'est jamais loin.
Entre 1870 et 1918, la politique s'invite avec les idées républicaines qui peu à peu pénètrent les campagnes (au grand dam des propriétaires). Et quand la misère est là parce que le vin ne se vend plus au début du XXème siècle pour les raisons évoquées plus haut, la révolte gronde partout en Languedoc en 1907, contre le pouvoir politique local et national, trop laxistes vis-à-vis des vins frelatés. Mais voilà qu'à peine un problème réglé dans la douleur, survient la guerre qui va se charger de décimer, cette fois, les hommes…
Comme toujours, Christian Signol n'a pas son pareil pour nous envoûter dans ce monde agricole fait de peines mais aussi de joies intenses, nous immerger dans cette mer de vignes où la nuit, parfois, dit-on, se conçoivent les enfants …
Et lorsque les cloches sonnent, partout, à la volée, le 11 novembre 1918, le lecteur reçoit en pleine figure l'émotion et la joie profonde de la fin du carnage.
Ils entrèrent tous deux dans l'atelier où Justin commença à installer ses outils qu'il avait soigneusement rangés avant de partir quatre ans plus tôt. Puis il saisit une planche, la fixa sur sa colombe, manœuvra le rabot. Alors, serrés l'un contre l'autre, ils regardèrent, entre ses mains tremblantes, les premiers copeaux fleurir comme des soleils.
PS : une suite a été donnée à ce roman dans "La lumière des collines".