Une analyse effondriste du transhumanisme

Le sujet du transhumanisme est un paradoxe de notre temps: aspirant à satisfaire l'une de nos plus anciennes pulsions- la mort de la mort- il pose des questions éthiques et métaphysiques (au sens quasiment littéral) vertiginieuses notamment dans l'effacement des frontières entre le corps humain et la machine qu'il semble induire.

Le titre accrocheur de l'ouvrage d'Olivier Rey semblait aspirer à répondre à ce sujet. Bref essai (moins de 200 pages) qui se lit assez rapidement sa logique est la suivante : contraire à l'humanisme, le transhumanisme, sujet d'apparence anecdotique, le transhumanisme n'est que le reflet d'une fuite en avant chimérique de gens désireux de ne pas se confronter à un monde que la technologie fait courir à sa perte. Devant l'effondrement à venir et difficile à conjurer, il faut prendre le transhumanisme comme l'aveuglement face au monde actuel et ne pas se laisser détourner par ses promesses mirifiques.

Le moins que je puisse dire est que le raisonnement m'a peu convaincu: entre une vision dépreciative des comités d'éthique vus comme de simples machines à engistrer les sauts technologiques et une critique d'une humanité chaque jour plus dépendante du fait de la technologie qui se voit diminuée, je n'ai pas vraiment de réponse sur les enjeux théoriques soulevés par le transhumanisme dans la mesure où celui-ci serait :

- un symptôme du mal être contemporain, avec un homme malheureux, hyper dépendant et incapable de supporter la contrariété des limites inhérentes au fait d'être un humain;

- inapplicable dans la pratique puisqu'il requiert la poursuite d'un projet intenable à terme.

J'en convient tout à fait, au moins pour le second point, mais c'est un peu court: le transhumanisme s'il était possible serait il souhaitable ou non ? Quelles implications philosophiques, éthiques, pratiques signifierait son avènement ? L'ouvrage n'y répond pas vraiment.

En fait, le symptôme des déficiences de cet ouvrage me semble résumé par sa manière de plaquer l'analyse freudienne du chaudron au début du livre: un chaudron prêté est rendu avec un trou. D'abord on prétend que le chaudron est intact, ensuite qu'il aurait toujours eu un trou, enfin que le chaudron n'a jamais été emprunté, donc le raisonnement de l'emprunteur est globalement incohérent.

L'auteur estime que le transhumanisme suit la même logique: d'abord le transhumanisme nous dit que le projet est mirifique, puis qu'il n'est que dans la continuité de l'existant, enfin qu'il est inéluctable. Donc le transhumanisme serait incohérent.

La comparaison est pour le moins sujette à interrogation. Quel est le rapport entre les deux derniers point du raisonnement au delà du rapprochement que l'auteur veuille bien faire ? En quoi dire, un projet s'inscrit dans la continuité de l'existant tout en présentant une rupture majeure avec celui-ci- de par l'ampleur de l'avancée induite- est comparable à dire il y a un trou et il n'y en a pas ?

Le reste est pour l'essentiel fait de digressions, souvent intéressante, sur l'histoire des sciences et leur évolution épistémologique.

En résumé je pourrais dire que pour une fois, la forme et le fond de l'ouvrage se recoupent: un peu court.