Ryû Murakami nous jette dans toute la violence possible, toutes les déviances imaginables et toutes les maladies mentales courantes sans ménagement, sans prendre la peine de nous prendre par la main. Il est franc, sans jamais être vulgaire à outrance, toujours dans la juste mesure.
Murakami nous dépeint à peu près tout les types de mal-être qui puisse exister : lassitude avec son conjoint; besoin d'extérioriser ses colères sans jamais s'attaquer à celui qui l'a provoquée; prostitution estudiantine; violences sur les SDF; perte de lien avec la réalité; schizophrénie; paranoïa; violences conjugales; meurtre passionnel; raconter n'importe quoi pour avoir un peu d'attention; se prendre pour un animal; sentiment de supériorité; et il doit y en avoir encore. Mais un point commun à toutes ces pathologies effrayantes, perturbantes pour le lecteur : le manque de communication à ce propos. En effet, les personnages n'acceptent jamais facilement de parler de ce qui leur est arrivé dans leur enfance, notamment viols et/ou violences. D'ailleurs, dans ce livre, aucun personnage ne se fait violer, probablement que l'écrivain n'en était simplement pas capable, ou bien encore car sinon ce deviendrait trop lourd.
Cependant, avec un style sans concession, une trame particulièrement intéressante - un personnage rencontre un autre et au chapitre suivant, on suit ce dernier, et caetera - il nous bouscule mais jamais sans nous mettre à terre. Murakami déroule une fresque devant nos yeux avec tout les détails, sans se soucier, en commentant le passé de ses acteurs.
En bref, le roman est percutant, très sensible, et très flippant aussi. A savoir, tout ces problèmes que Murakami nous dépeint sont devenus monnaies courantes, et surtout dans nos sociétés occidentales : première consommation de drogues de plus en plus jeune, le quart de mes connaissances en consomment régulièrement, tous né après l'an 2000; nihilisme pur et dur, car c'est ce que le roman dépeint en réalité, un nihilisme provoqué par un mal-être, un ras-le-bol; violences gratuites et sans raisons; perte de lien avec la réalité (les écrans n'aident pas); débauches; et bien d'autres encore.
Ce roman est réellement génial, déjà que j'ai un faible pour la littérature japonaise, et surtout pour les watakushi shosetsu, bien que celui-ci n'en soit pas un. Mais, si je peux me permettre un léger jugement, je pense que trop de littérature pessimiste dépeint sur la société, mais le pire reste évidemment le pessimisme dans les écrans, beaucoup plus accesible. Une étude disait : la douleur chronique est l'événement qui abaisse le plus le niveau de bonheur. Donc, par extrapolation, être constamment abreuvé de douleurs dans les écrans, même si ce sont celles d'autres personnes, nuit-il au bonheur ?