Ma mère n’avait pas « réussi à accrocher ». Mon s’était dit déçu, trompé par un titre, une couverture, un résumé énigmatiques et attachants. Mais il me fallait un auteur en Q (non, pas un auteur de cul) pour mon challenge ABC. Il ferait l’affaire.
Alors, au début, je ne l'ai pas aimé. Une page, deux pages : clichés. Je n’aurais pas dû alourdir ma valise de cet encombrant, je le referme sèchement aussi sec, loin de ma vue nuisible inutile.
Deux, trois jours. Je travaille beaucoup, je ne peux pas aller à la bibliothèque chercher un Queneau. Et puis je ne suis pas sûre de réussir à lire Queneau. « La Vie mode d’emploi » est finie, ça y est, je vis une petite mort en le refermant. Je commence à lire « La carte et le territoire » pour faire une pause, pour constituer un tampon. Ce n’est pas mal.
Toujours cette sourde envie de continuer le challenge. Je lis le premier chapitre, le deuxième. C’est un peu amer mais c’est comme le café, je m’y ferai.
Les premières références à Perec me donnent envie de rire/vomir et me font détester cet auteur avec qui je devrais me trouver des accointances.
J'avance malgré tout. Les personnages sont caricaturaux, les bonnes paroles nombreuses, la spiritualité sans subtilité. Est mis en scène un monde de graphistes, de publicitaires, d’étudiants en philo, d’artistes, de commerciaux et de scientifiques – des cadres supérieurs ou des « créatifs » de vingt à cinquante ans, en somme ; comme s’ils étaient les seuls à « chercher la paix intérieure ». Mais peut-être s'agit-il là d'une espèce d'humilité de l'auteur. Il écrit sur ce qu'il connaît.
C’est un livre des années 2000-2010, assez parlant sur l'époque. Avec des homosexuels qui se découvrent sans que ce soit un livre sur l’homosexualité. Avec des artistes qui se cherchent sans que ce soit un livre sur l’art contemporain. Avec le bouddhisme en trame de fond sans que ce soit un livre sur le bouddhisme.
C’est un livre de clichés, je m’étonne qu’il ait été publié. J’en viendrais presque à soupçonner Denoël d’avoir voulu surfer sur la vague bouddhique. Mais on le lit. On y trouve des clins d’œil. J’y trouve des points d'attache. Des personnages aux noms exotiques. Des bouts de Perec. Une exposition « du 6 octobre au 8 novembre ».
Ce n’est pas un livre qui transforme. Mais il est de ceux qui permettent de se rappeler que prendre son temps peut être bien. Même pour faire des choses peu « utiles ». Lire un livre médiocre, par exemple. Ou écrire une critique assez cliché elle aussi.