Manet, le secret par Goguengris

Encore un ouvrage passionnant de Sophie Chauveau, qui colle à l'itinéraire inclassable et révolutionnaire d'Edouard Manet, peintre debout.
Sous plusieurs dimensions, toutes aussi détaillées, entrecroisées, celle de la peinture, et du mouvement impressionniste naissant, comme du cercle des dandys intellectuels et artistes de l'époque, l'auteur ne délaisse jamais le contexte du Paris ouvrier dezingué par Haussman, puis massacré par l'infâme Thiers et ses versaillais. L'on est au cœur des Batignolles, no man's land de Haussman, de st Lazare, à Clichy, la petite Pologne, les ateliers comme les bars défilent ... L'on croise l'effervescence artistique de cette presque fin de siècle, avant et pendant la Commune...
C'est très documenté et écrit avec une belle fluidité.
L'on appréhende ce qui sera le précurseur du modernisme en peinture. Peintre sociologue, qui aura l'étoffe du grand art, qui demeurera indépendant et l'esprit libre (toujours se départissant du groupe des impressionnistes). Celui qui déclarait peindre ce qu'il voyait (ce qu'il touchait aussi!) qui aura été le plus détesté des jurés des salons académiques et des pompiers. L'un des refusés le plus sulfureux connaîtra une reconnaissance très tardive presqu' à son agonie. On dit que son ´dejeuner sur l'herbe ´ l'un de ses premiers tableaux, après le ´buveur d'absinthe ´ sera aprés la Joconde, le tableau le plus commenté... Son chef d'œuvre absolu, l'Olympia, sa grande cocotte indécente, sans paravent, fera un beau scandale, pourtant à son corps défendant, celui qui a toujours recherché la reconnaissance officielle, et acceptera la légion d'Honneur peu de temps avant sa mort.
L'ami de Baudelaire, Nadar, de Mallarmé, le très proche de Fantin Latour, Degas, Monet, Renoir... Celui qui a croisé Verlaine, été soutenu par Zola...
L'amoureux d'Eros, des grisettes de Batignoles comme des bourgeoises de salon qu'ils courtisera jusqu'à sa mort... Fidèle à son seul amour, Berthe Morizot, mais sans jamais abandonner sa première femme, Suzanne, et son fils caché Léon (qu'il n'a pas reconnu mais a énormément reproduit dans ses tableaux).