Avec cet épais roman – 750 pages je vous prie ! – Wilkie Collins signe une œuvre très féministe. Le récit tourne en effet autour du mariage malheureux : qu’il soit forcé, mal assorti, intéressé, rompu, menacé ou simplement dissous par la mort, tous les personnages du livre en font l’amère expérience.
Aidé par l’avocat Delamayn, Mr Vanborough délaisse sa femme en prétextant que leur mariage n’est pas légalement valable. Ainsi, après des années de vie commune, Mrs Vanborough est abandonnée par son mari qui épouse un meilleur parti. Mais le destin s’acharne aussi sur les descendants des protagonistes lorsque Anne Silvester, fille des Vanborough, est séduite par Geoffrey Delamayn.
Wilkie Collins s’insurge ici contre la législation matrimoniale de son pays. En Ecosse, au XIXème siècle, l’ambiguïté de la loi est telle que deux personnes peuvent se retrouver mariées sans même le savoir ! L’auteur part de ce constat étonnant (mais authentique) pour imaginer toute une série de malentendus et d’impostures.
Le personnage d’Hester Dethridge lui permet de dénoncer également la violence conjugale et l’inertie de la loi face à la détresse des épouses.
Quant à Geoffrey Delamayn, il incarne une Angleterre détestable aux yeux de l’auteur: un pays livré à la culture physique, qui perd tout raffinement et toute vertu morale au profit du sport.
« Mari et femme » est donc un livre clairement engagé dans son époque ; mais cela ne nuit pas au suspense qu’affectionne tant Wilkie Collins. Comme toujours chez cet auteur, l’intrigue est riche en rebondissements et sombre à souhait: meurtres et vengeances, enquêtes et trahisons sont au rendez-vous. Mais rassurez-vous, tout cela finira par un double mariage réussi!
J’ai beaucoup aimé l’atmosphère victorienne, ainsi que la galerie de personnages soigneusement brossée par Collins. Un roman agréable et entraînant, à mi-chemin entre la critique sociale et le thriller.