Dans un jeu de quilles
Philippe Djian dit être plus intéressé par le style que par les intrigues. On n'est pas obligé de le croire mais il est vrai que son dernier roman, Marlène, est ciselé avec l'amour d'un tailleur de...
le 1 avr. 2017
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Tiens, ça faisait un petit moment qu'on avait pas eu de nouvelles de Philippe Djian. En format "poche" je veux dire (je ne lis plus que des formats poche, plus économiques, plus pratiques, et qui permettent aussi d'être moins dans la frénésie des dernières parutions...). "Marlene" n'est pas un grand Djian, mais ça fait longtemps, de toute manière qu'on n'a pas lu un grand Djian ("Elle", le très beau film de Verhoeven, était bien meilleur que "Oh…", le livre dont il était tiré...). On retrouve toutefois avec infiniment de plaisir le soin stylistique qu'il apporte à sa narration, appliquant toujours fidèlement ces règles - un peu absurdes, mais ludiques - qu'il a inventées un jour : ponctuation limitée au point et à la virgule, (ce qui surprend toujours dans les dialogues…), paragraphes sans séparation qui nous font sauter d'un lieu à un autre ou d'une temporalité à une autre et nécessitent à chaque fois un réajustement de la part du lecteur… le tout assez magistralement conduit pour provoquer cette fois, au fil des pages, un sentiment d'accélération assez sidérant. Pas toujours facile à lire, mais diablement efficace !
En fait, "Marlène" n'est pas très passionnant au départ, fouillant dans la banalité de vies provinciales ternes - même si les deux personnages masculins sont des militaires profondément traumatisés par l'Afghanistan. Puis la tragédie se met en place, dans une mécanique assez classiquement implacable : personne n'est à blâmer, personne n'y peut rien, le pire est simplement toujours certain. Quelques fausses pistes dans la narration nous font comprendre que l'horreur pourrait d'ailleurs venir de bien des côtés, qu'il n'y a que l'embarras du choix. La fin est terrible. Et bien entendu terriblement bien écrite par un Djian qui reste orfèvre en matière d'ellipse et d'absence cruelle de pathos, même dans ce livre qu'on qualifiera sans doute de secondaire.
On a dévoré ces 220 pages comme si on avait vécu un cauchemar lynchien (une référence clairement acceptée et établie par Djian) qui est venu se superposer à la banalité de ces vies comme éteintes. On a ressenti peu d'empathie envers ces personnages à peine esquissés dans leurs traumas, leurs déséquilibres, leur goût pour le malheur : pourtant on referme "Marlène" accablé par l'échec sans appel de toutes leurs tentatives de normalité. Difficile de savoir à quel moment, comment et pourquoi, mais on se rend compte en refermant le livre que Djian nous a quand même bien embarqués !
[Critique écrite en 2018]
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Créée
le 17 nov. 2018
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