Moi, René F., 26 ans, héros et As des as

« Le village où je suis né (…) s’abrite dans un pli de terrain au pied de ces Vosges, qui pendant près d’un demi-siècle, ont entendu dans leurs sapins passer sur l’aile du vent l’éternelle et l’imprescriptible revendications des vaincus. Ce bruit a bercé mon enfance, et l’hiver, quand la tempête faisait rage, mon pauvre père (…) a bien des fois évoqué la grande injustice. Il nous disait alors (…) que les éléments déchaînés, moins indifférents que les hommes, compatissaient aux souffrances de nos frères et tentaient d’en amplifier l’écho. » (P1) Par ses premières phrases, le ton est donné, il sera emphatique, patriotique et vengeur. « (…) ma mère préfèrerait voir son fils mort, que de le savoir capable de déserter honteusement le champ de bataille. » (P49) René Fonck n’a que les mots orgueil, courage, sacrifice, boches et lâcheté à la bouche. Fonck n’est pas un déséquilibré, au contraire, il est ce que l’Instruction civique de la jeune IIIe République a produit de plus parfait. Seul ce nationalisme échevelé permet d’expliquer les 1,4 millions de morts de la Grande guerre (soit 27 % des 18-27 ans).


Notre héros revendique 127 victimes (75 homologuées) abattues de quelques balles, en 400 combats, sans jamais avoir été touché lui même. Fonck recherche l’efficience maximum et fait fi de toute idée, obsolète, de chevalerie. Il pratique le "hit and run". Ce rapace de haut vol chasse en solitaire : il grimpe le plus haut possible, repère une proie, le dernier d’une formation, attaque en piquet, vise un angle mort, tue de quelques balles le pilote surpris, redresse son appareil et exécute au passage, si les circonstances le lui permettent, le leader de la formation, puis s’éloigne en profitant de sa vitesse supérieure… pour reprendre de l’altitude. Ce tireur d’exception déclare, pudiquement, viser l’espace « du pilote au moteur » ; sachant que le premier est assis juste derrière le second, comprenez qu’il ajuste l’homme et l’exécute. Pédagogue, il livre le secret de son succès : une parfaite hygiène de vie et une combinaison d’expérience et de sang-froid. « Le chasseur d’avions qui ne sait pas au milieu des airs, en face d’un ou de plusieurs adversaires, faire abstraction du danger, conserver le même sang-froid qu’à terre, observer et rendre inutiles les moindres gestes de l’ennemi, pourra par chance obtenir quelques victoires, mais il ne sera jamais un vrai chasseur, et un jour ou l’autre se fera descendre. » (P55)


Fonck encense ses chefs, ses coéquipiers et ses mécaniciens, décrivant une escadrille de héros fraternellement unis. Le réalité est plus contrastée. Il réprouvait les belles manières de Guynemer, coutumier de combats à la loyale dont il revenait criblé de balles. Après sa mort, il lâcha pour oraison funèbre : « Avec sa façon de combattre, c'est étonnant que cela se soit pas arrivé plus tôt !  » De fait, " L'Archange Guynemer " était adulé par les poilus et l’Arrière, ce qui ne sera pas son cas. Les rapports amicaux et "professionnels" qu’il entretint avec Goering jusqu’en 1942 ne feront rien pour améliorer son image après la Libération. L’Armée de l’Air se refuse encore à célébrer sa mémoire.


Il peut néanmoins être sincère : « En me rappelant ces instants si tragiques (d’un combat), en examinant mes actes, je reconstitue tous les circonstances du drame dans l’ordre où elles se sont déroulées sous mes yeux. Je ne regrette pas de les avoir vécues, et quelques fois dans la quiétude qui a enfin succédé à quelques heures épouvantables, il m’arrive de regretter obscurément qu’elles soient déjà passées. L’habitude du danger offre à celui qui en accepte le risque, des satisfactions particulières. Nous en avons par moment la nostalgie, et c’est alors que l’on entreprend de sublimes folies, incomprises de la foule. » (P162)


Si 37 as (pilote aux 5 victoires homologuées par sa hiérarchie) français de 14/18 sont morts au combat, pas moins de 27 se tueront après guerre dans des accidents d'avion ! L’addiction à l’adrénaline est un stress post-traumatique mortel.


2017

Step de Boisse

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