"Je suis un de ces êtres heureux qui échappent à toute vocation."

Michael K est une personne simple d'esprit. Alors que la guerre a lieu en Afrique du Sud, il prend le risque de traverser le pays pour emmener sa mère souffrante revoir sa terre natale. Seulement, elle meurt en chemin, et Michael K se retrouve à errer en pleine zone de combats.
Le style est concis, précis, bien que pénible à lire au début car il fait beaucoup état de l'agonie de la mère du protagoniste, sujet lourd traité avec gravité.
Un autre mot qu'on associe à "précis" et "concis" en matière de style est l'adjectif "clair" ; ce n'est pas que les autres styles ne le seraient pas, mais qu'ils provoqueraient davantage d'efforts de concentration chez le lecteur. Or, si l'on parle de clarté pour Michael K, sa vie, son temps, c'est surtout pour les phrases prises une à une ; car l'ensemble du texte reste flou sur bien des points.
Ce flou est un parti pris artistique pour rendre à l'écrit le manque de discernement de Michael K. Cela peut déplaire à certains, car l'auteur nous parle de l'Afrique du Sud sans un semblant d'exposition contextuelle. On n'apprend rien de spécial sur la situation ici ; il s'agit bien de Michael K, le simple, et de sa vie dans tout cet enfer. Qui contre qui ? Qui revendique quoi, et pourquoi ? Michael K ne le sait pas, alors on le tait au lecteur. Entre les explosions, les agressions, les saccages, Michael K vit les événements dans ce qu'ils ont de plus évident, créant ainsi une ambiance néfaste et difficilement compréhensible.



"Il est semblable à un caillou, un galet qui, après être resté tranquillement dans son coin depuis le commencement des temps, est brusquement ramassé et passé de main en main sans ménagement, au hasard. Une petite pierre dure, à peine consciente de ce qui l'entoure, absorbée en elle-même et dans sa vie intérieure. Il traverse toutes ces institutions, ces camps, ces hôpitaux et Dieu sait quoi d'autre comme une pierre. Il traverse les intestins de la guerre. Il n'a pas engendré, nul ne l'a engendré." (éd. Points p.172)



La citation ci-dessus est extraite de la deuxième partie du livre, où le style change en même temps que le narrateur, un médecin s'occupant de Michael K. Cette partie peut désarçonner, voire agacer, car elle donne d'elle-même des pistes interprétatives sur le parcours allégorique du protagoniste. Mais le fait que le nouveau narrateur soit autant intéressé par le personnage de Michael K révèle une chose : ces hommes impliqués dans la guerre sont inspirés par l'innocence que dégage la simplicité d'esprit. Comme si, finalement, ne voir que les évidences était l'essentiel pour faire apparaître la "folie" de tout un monde.
Toutefois, le personnage principal, en une troisième et dernière courte partie où l'on retrouve le style de départ, pense sa propre errance, quitte à pousser Coetzee à la meta-littérature durant quelques pages, et semble se refuser à être ce que les autres veulent qu'il soit jusque dans les interprétations personnelles. Il se refuse, tout juste, à être... pour essayer, ainsi, de vivre.


Mais paradoxalement, il est et restera malgré lui un personnage inspirant que le prix Nobel de littérature (2003) John Maxwell Coetzee a choisi pour sujet. Cet auteur qui se qualifie comme un « écrivain occidental vivant en Afrique du Sud » nous offre un roman étonnant, à méditer ; une belle découverte pour ma part.


(Petite parenthèse : le fait que Michael K soit souvent et simplement nommé "K" n'est pas sans évoquer l'œuvre de Franz Kafka. N'y aurait-il pas un traitement kafkaïen des institutions sud-africaines via l'incompréhension du protagoniste ? Comme, par exemple, l'épisode des permis qui ne leur parviennent pas, et des réponses du personnel qui ne répondent à rien ? Idem pour les hôpitaux ? Pour les pléthores de camps ? N'étant pas spécialiste de la question et n'osant m'avancer plus, je laisse éventuellement d'autres lecteurs confirmer ou réfuter cela.)

Benson01
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le 30 juil. 2018

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