Jeu chairch relassion pasionel a moin 500 m (dick pick pa aceptè)

Pour ceux qui le connaissent en tant qu’écrivain érotique, directeur de collection de La Musardine (maison d’édition spécialisée dans la littérature du dessous de la ceinture), il paraît logique que Stéphane Rose ait écrit un essai sur les sites de rencontres, ces endroits où on se rend parfois pour une relation sérieuse et souvent pour un 69 tantrique. Mais ceux qui suivent de près ses statuts Facebook et ses quelques chroniques satyriques pour Brain Magazine le savent aussi: Stéphane Rose est un homme sarcastique. Il allait donc de soi que l’essai en question adopte une tournure du même ton.


« Misère-sexuelle.com » se présente comme un guide assez court (200 pages environ) détaillant les différents sites de rencontre français, leurs moeurs, leurs coutumes, leurs usagers, et in fine la façon dont ils modifient (ou reflètent ?) la perception du couple et les pratiques romantico-sexuelles de notre temps. Il ne s’agit pas d’un journal autobiographique, même si l’auteur reconnaît avoir été un fervent consommateur de rencontres online. Ce n’est pas non plus une étude sociologique très pointue, car si Rose donne des chiffres et fait appel à quelques experts pour une plus grande hauteur de vue, l’ouvrage reste avant tout une synthèse. On est dans l’entre-deux, c’est-à-dire dans une enquête journalistique avec les défauts que cela peut comporter: un certain manque de profondeur et un ton décomplexé qui ne fait pas mouche à tous les coups.


Ce qui ne l’empêche pas, toutefois, de réussir son coup: premièrement parce que la recherche « de terrain » basée sur l’expérience et de nombreux témoignages externes est solide et variée, et donne même lieu à de nombreux moments de lecture franchement hilarants (à défaut d’être réjouissants), parmi lesquels on peut citer un rendez-vous manqué de l’auteur avec une femme ayant un peu arrangé la réalité à son sujet, ou encore l’histoire de cet homme qui découvrit que sa soeur était inscrite sur Meetic comme lui...après lui avoir proposé un plan cul en blind date (et avoir, heureusement, allumé sa webcam à temps). Sans parler de la section «bonus » en fin d’ouvrage comportant des petites annonces pas piquées des vers...


Deuxièmement parce que le tableau de l’amour moderne proposé par l’auteur parvient à être le plus complet possible. Pas beau à voir, c’est sûr: des recalés du marché de la séduction blasés et aigris aux névrosés de l’amour, en passant par les menteurs en série (sur leur physique ou situation maritale) et les consommateurs qui confondent leurs rencontres sur ces sites avec des produits de supermarché, le livre ne fait de cadeau à personne. Mais les constats apportés sont justes: la montée de communautarismes de plus en plus absurdes avec des sites basés sur les « affinités » (le summum étant atteint par le site points-communs.com, qualifié de « communiste » par l’auteur dans la mesure où toute sa population est exactement semblable); la prégnance d’une société de consommation véhiculant une idée de satisfaction immédiate des besoins individuels (parfois au détriment de l’équilibre d’un couple); le fossé entre les hommes en attente de sexe (très demandeurs) et les femmes en attente d’engagement (très demandées); ou simplement les nouvelles désillusions amoureuses provoquées par le virtuel, terrain propice aux fantasmes et aux adultères fantômes. Car après tout, entretenir une correspondance amoureuse/érotique sur Internet à l’insu de son conjoint, ce n’est pas vraiment tromper: on ne verra jamais notre correspondant en vrai ! Bref, un portrait désabusé de nos sociétés humaines, où les sites de rencontre n’auront finalement pas changé grand-chose.
Il ne faut cependant pas voir dans ce constat un jugement de la part de Rose, ou le prendre pour le réactionnaire allergique à la « modernité » de l’amour qu’il n’est pas: l’auteur reconnaît avoir parfois trouvé son compte sur Meetic et consorts. « On connaît tous un couple qui s’est rencontré via un site », note-t-il d’ailleurs. D’autre part, tout blasé qu’il soit, ce compte-rendu affiche malgré tout une volonté de laisser les gens faire leurs propres choix, avec (peut-être) la chance, en chattant sur Adopte, d’y faire une jolie rencontre. Mais comme le dit l’auteur:



Je n’ai aucun doute sur le fait qu’une personne psychiquement bien structurée puisse utiliser les sites de rencontre de façon saine, tempérée, et y trouver ce qu’elle cherche. Mais plus j’avance dans la vie et pratique les humains, plus je le dis que l’équilibre émotionnel parfait n’existe pas, que l’homme est un animal pétri de souffrances, et que l’enjeu d’une vie humaine est de faire en sorte que lesdites souffrances soient le moins handicapantes possible. Et je doute qu’on y parvienne en pratiquant les sites de rencontres. Ils cristallisent au contraire nos névroses, élargissent nos failles, décuplent nos distorsions narcissiques. Dans ses mémoires, Casanova confessa avoir séduit une centaine de femmes. Un chiffre peut-être impressionnant à l’époque, mais qui ferait sourire un don juan des temps modernes. Avec un ordinateur, une connexion internet et un abonnement à Meetic, Casanova aurait séduit 10 000 femmes...et multiplié son insondable solitude en proportion.>



Nous voilà prévenus...

DanyB
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Déjeuner sur le lit d’une putain (2020), Deux yeux qui regardent un beau cul, ne valent certes pas un doigt qui touche... et Les livres les plus drôles

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le 30 juil. 2020

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Dany Selwyn

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