Moins qu'un chien par NicoBax
Récit schizophrène de la vie de Charles Mingus, non pas via le prisme de la musique mais de l'amour et de son rapport aux femmes. Le narrateur change selon que l'anecdote racontée est à la gloire du Mingus ou si au contraire, il fait preuve de faiblesse ou de vice, comme si Charles jugeait Mingus et tentait de se dédouaner de ses pêchés : petit garçon mal aimé, musicien de génie, cœur d'artichaud, petit maquereau, ami fidèle et précieux mais aussi homme aux colères légendaires, il est aussi très certainement un peu mythomane, à l'écouter vanter ses performances sexuelles hors du commun.
C'est d'ailleurs un peu usant de lire à perte de page des dialogues quasi dénués d'indications (qui parle ? y a-t-il eu une pause entre les échanges ?), ses histoires d'amour prennent toute la place et s'il n'y avait pas quelques astuces stylistiques pour nous faire raccrocher les wagons une fois qu'on croit qu'il a voulu garder des choses pour lui, je ne sais pas si j'aurais été au bout.
Heureusement, il y a quelques passages qui valent nettement plus la peine, notamment ses discussions avec Fats Navarro, sa rencontre avec Bird à New York, le cours de maquerellage par Billy Bones et de manière générale dès qu'il s'exprime sur la vie, les hommes, les Noirs, le jazz. Les traces de racisme et de sa violence (qu'il adoucit énormément avec son humour, le rendant ainsi plus vicieux, moins choquant si on n'y prête pas plus attention, trop pris par la restitution de l'ambiance de l'époque), son statut de Noir à la peau claire, de Noir en couple avec une femme blanche... Toujours beaucoup de colère, de rage mais comme dirait François Valéry, une putain d'envie de vivre.