« Mon sommeil sera paisible » est un roman éblouissant de perspicacité et affiche une grande originalité. Il égrène, heure par heure, les grandes étapes de la Révolution Française, évoquant cette mise en place d’une réaction en chaîne vers l’horreur absolue. L’auteur choisit le prisme d’une haute figure de cet évènement historique, et non des moindres : Robespierre. Ici, loin de toute imagerie d’Epinal, Alain Asbire nous place au cœur d’âme de ce révolutionnaire à la sinistre réputation. Il lui redonne vie en explorant ce qui est l’essence de son existence : la nation vertueuse. Cet idéal en étendard, Robespierre, homme de droit intransigeant, se veut le guide de tout un peuple. Fort de son raisonnement, sa vision de la société idéale s’imposera quelque soit le ou les sacrifices à faire. Victime de son idéologie, il s’inscrit dans le schéma classique du dirigeant totalitaire, aveuglé, paranoïaque et desséché de tous sentiments. Les scènes s’enchainent, du détail de la vie quotidienne, aux houles de l’assemblée, la Révolution Française apparaît comme une espèce de purgatoire d’idées plus contradictoires les unes que les autres, et on sait que le paradis escompté,(la stabilité politique) n’arrivera que quelques décennies après…. De cette nation opprimée, brimée jaillit une envie, un vœu pieu… la liberté du peuple, dont Marie la céroplasticienne, avec toute sa candeur et son pragmatisme, est une digne représentante. Elle veut le contre poids à cette machine infernale qui s’est mise en marche.
Mais Asbire ne se contente pas d’un récit biographique du politique Robespierre, il cerne surtout l’homme, au destin funeste comparable à celui de Jésus christ. Il avance cote que coute, prononçant la bonne parole et agissant pour son idéal. Sa fin est inéluctable et déjà programmée, il en a conscience. Ses failles, ses atouts, sa force de caractère et ses lâchetés sont autant de facteurs qui font de lui un humain faillible, qu’il se doit de cacher. Et le roman prend alors une dimension universelle dans la description de cette mise en abime d’un être humain. Bien plus que le sang, la violence et l’horreur décrits, le plus effrayant dans « Mon sommeil sera paisible » est cette folie morbide et consciente qui traverse cet homme. Il pourrait refreiner à tous instants mais qui dans ce cas elle est inéluctable, puisque le sacrifice est le but d’une vie, d'une cause...