Sur fond des années révolutionnaires, Alain Absire dépeint un portrait intime de Robespierre. Celui d'un homme torturé, rejeté par sa mère, abandonné par son père et qui s'est consacré tout entier à la Cause après avoir abandonné l'amour, convaincu que les autres n'avaient rien à lui apporter et qu'il était au-dessus de ces passions terre-à-terre, lui, l'Incorruptible, le Père de la Révolution. Il s'était trompé : Marie, une modeleuse de cire qui donne vie à la matière, réveille en lui des sensations qu'il pensait à jamais disparues. Il est néanmoins peut-être déjà trop tard pour Robespierre, enfermé dans ses certitudes et dans le narratif qu'il s'est écrit pour lui-même, incapable d'exprimer ses sentiments, impuissant à satisfaire ces désirs qu'il ne comprend pas, il préfère tout repousser et au peuple tout entier se consacrer. Le peuple, seule figure qui trouve son affection, est une masse indistincte, sans visages, rassurante. Face à lui, Robespierre est l'incorruptible, la main ferme de la justice, le bourreau des traîtres. Face à Marie, Robespierre est impuissant, déboussolé, faible. Il sait le bonheur à portée de main mais ne veut pas, ne peut pas le saisir car dans son narratif, il est l'instrument d'une cause qui le dépasse et doit tout lui sacrifier.
Très bien écrit, ce conte morbide - car tout y tourne autour de la mort - peine cependant à transmettre son message. Quel message prendre de ce Robespierre ? Faut-il y saluer la figure christique qui fait tous les sacrifices, dont l'Ultime, au nom de la Cause ou maudire ce personnage impuissant et incapable de sortir de sa zone de confort qui préfère vivre dans sa tête et ses discours plutôt que d'affronter les autres ? Les grilles de lecture sont multiples, la frustration domine à la fin car les luttes internes à Robespierre ne sont pas résolues, il ne surmonte rien, il abandonne simplement et accueille la mort. Le plus drôle dans l'histoire est qu'il est impossible de dire ce que Marie pensait de lui. Peut-être n'éprouvait-elle rien ? Ce serait la cerise sur le gâteau.
Tout en reprenant les codes du héros tragique, l'auteur écrit donc plutôt un héros pathétique qui finit sa vie en laissant à son double en cire le soin de vivre à sa place.