Avant 14-18, la guerre était le théâtre dynamique des prouesses humaines, de la bravoure, de l'exploit viril, de la victoire dans la sueur, du panache. Après 14-18, les fantasmes se sont dissipés, la guerre a repris dans l'imaginaire collectif des accents de vérité : Mort, vide, souffrance, vide, mort. 14-18 c'est la fin du sens : qu'importe ton courage, ton passé, ta force, ton intelligence, un obus, une balle tirée au hasard peut mettre fin à ta vie et te voilà dans la fosse avec pour seul témoin une croix de bois. On ne s'affronte plus face à face, homme à homme, on est terré dans un trou et on attend, on attend l'obus de trop, la balle de trop, pataugeant dans la boue, dévêtu de toute dignité. L'attente est longue, trop longue, interminable. Déjà à l'arrière, le reste du pays oublie, passe à autre chose. Quand enfin elle se termine et que le soldat rentre, il est le poilu, sale, blessé, famélique, digne de pitié. 14-18 c'est la mort de l'héroïsme et de la dignité.
Les Croix de Bois, c'est un peu tout ça, c'est 14-18, c'est l'attente, la boue, la mort mais pas seulement, c'est aussi un témoignage sur ces enchantements que sont la paix, la routine, les copains, les petits bonheurs du quotidiens. C'est aussi un appel à apprendre à apprécier ce qu'on a trop souvent tendance à prendre pour acquis. Une lecture parfois difficile, répétitive par endroits, mais toujours salutaire.