La vague surnaturelle qui submerge l’Angleterre au milieu du XIXème siècle constitue l’engouement général de ce qui succédera au roman gothique. C’est ainsi que le genre fantastique nait de ces cendres, tel un phénix littéraire qui tend à plonger ses griffes plus profondément dans le cœur de ses adeptes. Monkton le fou les réunit ainsi, comme les complices inavoués des Pénitents Noirs d’Ann Radcliffe, ou les témoins d’une perversion macabre digne de Matthew Lewis.
Écrit à la première personne, dans l’idée de s’immiscer davantage au cœur de l’intrigue, Monkton le fou raconte les vicissitudes d’Alfred Monkton ; un jeune aristocrate incompris – et peut-être un peu fou – hanté par une vieille prophétie ; la lignée des Monkton s’éteindra définitivement si l’un de ses membres ne trouve pas le repos éternel dans le caveau familial. Une lutte forcenée s’engage alors contre la destinée, entravant au passage l’amour et la raison, dans une atmosphère aussi lugubre que sublime.
Véritable quintessence du surnaturel, Monkton le fou provoque et prolonge un plaisir mélancolique ; des paysages de Wincot Abbey au charme discret et sombre de l’Italie reculée, en passant par la dangereuse mer de la péninsule ibérique, le lecteur assiste malgré lui à une sorte de pèlerinage, comme un voyage initiatique dans lequel le but serait également symbolique. Wilkie Collins établit ainsi une critique de la société victorienne, dans un style novateur qu’accompagne une écriture aussi élégante qu’effrayante !