Cet ouvrage de Michel Winock est stimulant à plusieurs égards ; tout d’abord, parce qu’il constitue une belle synthèse sur l’histoire de l’extrême-droite en France et du – ou plutôt des – nationalisme(s), ce qu’il appelle, au fond, le « Moi national et ses maladies » (p. 7). L’historien propose une bipartition – somme toute assez classique – entre un nationalisme dit « ouvert », reprenant volontiers l’héritage révolutionnaire et républicain, et un nationalisme « fermé », dont les bases reposent sur un antisémitisme, une xénophobie et un déterminisme organiciste. S’il manque certainement une interprétation plus « théorique » du nationalisme, il n’en demeure pas moins qu’il prend place largement dans le débat historiographique quant à l’existence d’un éventuel fascisme français. Si l’on a souvent tendance à dresser de manière univoque l’historiographie étrangère contre l’historiographie française, des nuances doivent ressortir au sein de ces dites historiographies. Tout en réfutant la thèse de Sternhell, Michel Winock ne se prononce pas directement pour une immunité typiquement française à l’imprégnation fasciste, et dans un chapitre consacré à « l’ébauche d’un fascisme français » (p. 211), il met clairement en exergue le rôle des « origines françaises du fascisme » (p. 212) – pour reprendre le titre d’une sous-partie – et l’influence de Valois dans les années 1920. Mais Winock nuance le tableau en écrivant que « si le fascisme en France n’a pas su s’imposer, c’est que la droite française pouvait rester forte à l’intérieur de la légalité républicaine » (pp. 228-229) ; et pourrions-nous rajouter, que les milices dites « fascistes » n’étaient pas suffisamment portées vers l’impérialisme et le militarisme pour s’imposer durablement. La critique qu’adresse Winock à Sterhnell est classique, et ne repose pas tant sur l’usage méticuleux des sources et sur son érudition incontestable : il est davantage question d’extrapolation de l’interprétation, car, en lisant Sternhell, aux dires de Winock, « on a l’impression que toute pensée, toute publication, tout individu, qui, dans la France des années trente, se refuse aux idées reçues et aux structures héritées, contribue peu ou prou à l’imprégnation du fascisme. » (p. 242).
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le 3 juil. 2013

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