Par une de ces coïncidences totalement imprévisibles, ce bouquin présente de nombreux points communs avec le dernier film que j'ai vu, Les magnétiques : époque (les années 80, période charnière, même si Nature humaine est bien plus étalé dans le temps, j'y reviendrai), personnage principal d'origine rurale et introspectif, histoire d'amour à la fois touchante et compliquée, évocation de Berlin comme d'un lieu lointain et porteur de possibles comme de barrières. Cela jusqu'à la fin ouverte dans les deux cas. Et en plus le fait que les deux m'aient touché.
Pour autant, ce n'est pas tout à fait la même œuvre, et il y a des différences qui vont au-delà du média utilisé. La musique, quoique son évocation ne soit pas totalement absente dans Nature Humaine, est bien plus présente dans le film. A l'inverse, la nature est au centre du bouquin là où elle ne constitue guère qu'un décor dans le film. Car on est ici en présence d'une chronique du monde rural (le personnage principal est fils d'agriculteur et futur agriculteur) et des évolutions rapides qu'il va connaitre durant la période de deux décennies 1980-2000. La nature (du Sud-Ouest de la France puisque c'est là que tout se passe) est ainsi largement évoquée et décrite avec force détails dans le courant de la narration, souvent d'une manière très anatomique.
Et là où le film ne faisait que laisser entendre (et deviner, ce qui n'est plus très difficile aujourd'hui avec le recul) ce que serait le futur de ces années 80 qui ont tout changé, le bouquin, lui, pousse jusqu'à l'an 2000 et du coup nous montre une partie de ce futur : désertification des campagnes, désengagement des services publics, industrialisation de l'agriculture et poids croissant de la grande distribution, construction d'infrastructures destinées avant tout à la vie économique. Le tout en une sorte de charge virulente (quoique toujours très factuelle dans sa présentation) contre le progrès tel que les élites économiques le conçoivent encore et toujours plus en 2020.
Quoiqu'ayant trouvé, à titre personnel, l'écriture un peu sèche et le style un peu abrupt (mais il faut convenir que c'est en phase avec les paysages souvent évoqués), c'est à mon avis assez agréable et plutôt facile à lire, en dépit de quelques irritants comme par exemple le caractère systématique de la mention de produits de consommation des années 80 aujourd'hui disparus (la 4L, la GS, le Nesquik ou les biscuits Paille d'Or, par exemple), effet de style visant certainement à donner une tonalité réelle aux événements. Mais qui a mon sens n'était pas nécessaire, le bouquin ayant suffisamment de qualités par ailleurs pour éviter l'écueil de la nostalgie rétro.