En 1910 éclate la grande peste mandchoue, dans le nord-est de la Chine : elle ne tarde pas à atteindre la ville de Harbin, la plus septentrionale du pays, très internationale en raison de la présence de Russes, de Japonais, d’Américains et d’Européens travaillant à la liaison ferroviaire entre le Transsibérien et la mer. En un peu plus d’un an, elle fera plus de 60 000 victimes dans la région, dont un tiers de la population de Harbin, principalement dans son quartier chinois, plus concentré et plus pauvre. Confinée, sa population doit s’adapter, s’entraider, gérer ses morts, sans comprendre comment la maladie se propage…
A l’intérieur d’un cadre historique parfaitement exact, Chi Zijian s’est attachée à imaginer le quotidien des habitants de Harbin : autant de petites gens exerçant mille métiers, dont elle a reconstitué l’existence dans tous ses détails, nous plongeant dans la vie d’un quartier, son réseau de relations humaines, son organisation et ses vicissitudes. Le résultat est hautement exotique pour le lecteur européen, mais résonne étrangement en écho avec notre expérience de pandémie actuelle : ville bouclée, médecins débordés, isolement des malades dans des wagons ferroviaires, solidarité et fabrication de masques par tout un chacun, faillites de certains métiers, opportunités pour d’autres, et aussi terrible question logistique quant à l’amoncellement des cadavres.
Le travail de l’auteur est immense, avec ses dizaines de personnages incarnés avec précision et réalisme, et la reconstitution de toute une vie de quartier au début du XXe siècle. Ce tour de force de l’écrivain s’avère toutefois une épreuve pour le lecteur, en particulier lorsqu’il est occidental et qu’il peine à mémoriser les nombreux noms chinois. Vite perdu dans cette pléiade de personnages, celui-ci n’a guère de chance non plus de s’attacher à l’un plutôt qu’à l’autre, le récit n’en faisant émerger aucun en particulier. Assez rapidement, malgré l’intérêt du sujet et les qualités littéraires du roman, l’ennui s’installe et la lecture devient fastidieuse.
Intéressant pour ce qu’il offre de découvertes historiques et culturelles, étrangement en résonance avec notre actualité, ce livre sérieusement mené et d’une qualité de style indéniable s’est paradoxalement avéré pour moi une lecture pensum : la foule de ses personnages saisis dans leur quotidien aura eu raison de mon attention et de mon empathie.
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