Il ne faut pas voir en Nos Jeux Vidéo 70/90 un ouvrage sérieux et encyclopédique. Comme le confie souvent l'intéressé lui-même, les premiers jets de l'ouvrage contenaient près de 600 pages de texte, et encore, il y en a sans doute encore bien plus à dire. Marcus et Philippe Kieffer ont donc opéré un choix éditorial qui au final s'avère assez judicieux. Le livre ne fut donc pas conçu complètement comme une chronologique de l'histoire des jeux vidéo, mais comme un compromis intéressant entre livre d'histoire et autobiographie, ce qui convient parfaitement à la cible que convoite le livre.

Ne nous le cachons pas, un des grands motifs d'intérêt pour le livre, c'est la signature de Marcus sur la couverture. La plupart des fans de jeux vidéo qui ont le bonheur d'avoir eu le satellite étant plus jeunes ont grandi avec le mythique Level One sur Game One, et les néophytes les croisent régulièrement encore sur cette même chaîne ou sur la petite chaîne geek qui monte, Nolife. Les gens qui achètent ce livre ont pour la plupart grandi avec Marcus, l'ont sans doute même connu avant la Grosdoigtitude et son élévation au rang de "grand manitou" des jeux vidéo dans les médias. Or si nous aimons les émissions de Marcus, ce n'est pas tant pour ces émissions en elle-mêmes que pour lui. On se reconnaît en Marcus parce que c'est un joueur comme tout le monde, capable de perdre une vie sur la plus élémentaire des conneries possibles. On a ragé sur les mêmes jeux, connu les mêmes frustrations manette en main ; bref, Marcus, c'est un joueur comme vous et moi.

Et c'est, fondamentalement, le parti pris que prend Nos Jeux Vidéo 70-90. On pourrait être tenté de croire, un peu à raison, que le titre exact aurait pu être "Mes Jeux Vidéo 70-90". Marcus y parle beaucoup de lui, ressasse son amour de l'Amiga 500, de Mario Kart sur Super Nes qu'on lui connaît. Les puristes en jeux vidéo n'y apprendront pas forcément énormément, le livre reprenant dans son déroulement le documentaire "La Grande Histoire des Jeux Vidéo" paru en 2008, et déjà en collaboration avec les fétichistes de MO5.

Mais l'essentiel est ailleurs, dans tous les à-côtés du livre. Dans l'humour foireux de Marcus dont on ne sait jamais s'il faut en rire ou s'en facepalmer. Dans son sens inspiré de la vignette décalée et du titre qui claque. Dans sa naïveté de Peter Pan (ou Peter Pong, hahaha) qu'il n'a jamais cessé d'être et qui lui permet d'insérer une grosse ânerie comme la fameuse anecdote de l'enfouissement de milliers de cartouches d'ET dans le désert du Nouveau-Mexique sans qu'on n'y voit autre chose qu'un amour des mythes, innombrables, que charrie le jeu vidéo dans la mémoire collective. Dans sa manière de décrire, à travers sa propre expérience, l'évolution du rapport entre l'homme et la machine, les querelles de clochers enfantines entre Atari/Amiga, Sega/Nintendo, consoles/ordinateurs. Dans la désinvolture formelle de l'ouvrage, qui ne s'encombre pas de légende, et qu'on feuillette en jetant notre regard un peu partout en même temps, saisissant çà et là une image ou une phrase pour (re)construire, avec lui, nos souvenirs de gamers.

D'accord, l'ouvrage est décousu, incomplet, parfois même imprécis. Marcus s'y met en avant et a l'indélicatesse de s'attribuer trois étoiles sur la couverture, sans même en laisser une seule à son co-auteur. Mais en refermant l'ouvrage, lu à la vitesse d'un speedrun de Super Mario sans pour autant prendre de Warp Zone, on ne peut s'empêcher d'y voir le témoignage, ô combien sensible, d'un homme avec qui nous avons grandi qui se rend compte que, ne pouvant parler de tout, il parlera avant tout de ce qu'il aime. Certains y verront de la mégalomanie, je préfère y voir de la générosité. On pourrait presque y voir une sociologie du jeu vidéo!

Au final, cet ouvrage est à l'image de l'homme derrière sa console : pas parfait, mais qui sait parfaitement nous transmettre ce qu'il aime. Et c'est pour ça qu'on achète ce livre, et qu'on aime toujours autant Marcus.
Sharpshooter
6
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le 16 déc. 2011

Critique lue 306 fois

2 j'aime

Julien Lada

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