Difficile d'aborder le visionnage de ce film Veronica Mars sans voir ressurgir, non sans une certaine nostalgie, le souvenir ému de la découverte d'une des séries les plus attachantes de la génération des twenty-something de 2014. Portée par l'un des personnages d'adolescente les plus piquants qui soient, Veronica Mars reste encore aujourd'hui la madeleine de Proust d'une époque que le film s'emploie à retranscrire avec pas mal d'acuité, mais je vais y venir par la suite. Le jeune freluquet que j'étais à l'époque s'énamourait de Veronica et voyait en elle la fille idéale, indépendante, bravarde et débrouillarde, à la répartie inamovible mais dont ce qui pouvait s'apparenter à du cynisme laissait poindre une complexité souvent effleurée dans les autres college shows télévisuels. Le "Je t'aime moi non plus avec Logan", l'amitié improbable avec le biker Weevil, la bêtise crasse du génial Dick Casablancas... Autant d'éléments que l'on s'apprêtait à retrouver dans ce film au parcours bizarre, kickstarté à des hauteurs dingues mais privé de sortie en salles parce que voyez-vous, y a Fiston avec Kev'Adams et Franck Dubosc, que les gens ont des goûts de merde et que la vie est une pute.

Soyons francs d'entrée : le film ne parlera sans doute qu'à sa base ultra-dévouée de Marshmallows et les autres, s'ils trouveront le résultat final loin d'être infâmant, resteront un peu sur le carreau. A cause des références, nombreuses au début du film (le hobo qui chante le générique du show, la référence aux Barenaked Ladies...), qui ont la bonne idée de s'estomper un petit peu par la suite avec un premier quart assez mastoc niveau fan service. Le scénar, lui, est assez bancal, traitant plus qu'expéditivement tout ce qui se déroule en dehors de Neptune (le pauvre Piz qui joue les faire-valoirs, la mini-storyline autour du nouveau job de Veronica conclue en deux coups de fils avortés) et déroulant une affaire criminelle plaisante mais légère, entrecroisant un peu maladroitement une histoire de double meurtre et un scandale de corruption policière. Le tout se suit avec plaisir, mais en remettant temporairement ses lunettes de vision objective, on concèdera que tout ça est un peu anecdotique.

Il n'empêche que le fan impulsif de la série (et du travail de Rob Thomas en général, je vous rappelle en faisant une pub clandestine à peine dissimulée que le monsieur est aussi responsable de la tout aussi géniale Party Down) s'avère passablement satisfait par ce retour salutaire, sept ans après, dans cette bonne vieille Neptune. Parce qu'au fond, Veronica Mars est certes une série centrée sur une jeune femme, mais aussi une série sur le microcosme bizarre et malsain de ce dortoir pour riches superficiels, où tout respire la suffisance et l'hypocrisie malsaine. Contrairement à ses jeunes, Neptune donne l'impression de n'avoir jamais changé. C'est une ville figée dans le temps à force, comme le dit Veronica, d'aspirer l'énergie vitale de ceux qui l'habitent. C'est une ville à laquelle on n'échappe jamais, où règne le statu quo, où les mêmes erreurs du passé se répètent. Un endroit dont on pense s'échapper mille fois en y revenant toujours. Et où ceux qui vivent selon ses règles n'ont pas changé d'un iota dix ans d'après, à l'image de l'inénarrable Dick Casablancas (un des mes sidekicks préférés de la série), cette co****** de Madison Sinclair ou de Vinnie van Law, dont la séquence est sans aucun doute la plus drôle de bêtise du film. D'où cette impression familière qui fait que le fan, presque par évidence se sent naturellement de retour un peu chez lui.

Difficile en une heure trois quarts de faire de la place à tout le monde, ce que s'efforce pourtant de faire le film avec générosité mais plus ou moins de réussite. Si l'omniprésence de Logan est prévisible, on regrette la transparence de Wallace, relégué au treizième plan. Mais dans l'ensemble, l'exercice périlleux s'avère satisfaisant, et on retrouve avec un immense plaisir la complémentarité naturelle entre Kristen Bell et Enrico Colantoni qui faisait des merveilles dans la série et crève une nouvelle fois l'écran.
Tout ce beau monde évolue mais reste au final fidèle (trop fidèle peut-être par moments?) à ce qu'il était. On a presque l'impression d'assister à un téléfilm qui viendrait conclure tout ce qu'on avait laissé il y a dix ans comme si cela s'était passé la semaine dernière. Cette capacité, en une centaine de minutes, à recréer toute l'atmosphère d'une série de trois saisons, telle est la grande réussite de ce Veronica Mars Movie, auquel on pardonnera tous ses défauts pour l'apprécier comme le cadeau sincère de Rob Thomas, ses acteurs et ses équipes à tout un fandom qui a si bien accompagné ce film tout au long de sa production.

Encore une fois on n'y trouvera rien d'exceptionnel, on pourra même se dire qu'on en attendait un peu plus. Mais Veronica Mars reste une jolie friandise qui retrouve ce goût qui nous avait fait fondre il y a dix ans et qu'on regoûte avec bonheur comme si on avait jamais arrêté d'en manger.

Un bon gros Marshmallow en quelque sorte.
Sharpshooter
6
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le 14 mars 2014

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Julien Lada

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