Ben pas moi ! Parce que moi j'ai failli lui mettre 2... Puis non, en fait, 1 ça suffisait amplement. (Attention, cette critique est un défouloir ! Si vous avez aimé, n'hésitez pas à passer votre chemin ;) )
Fannie Flagg, c'est l'auteure de Beignets de tomates vertes, auquel j'ai mis 8 je crois... Je ne trouve pas son style exceptionnel, mais j'ai dévoré Beignets de tomates vertes en trois ou quatre soirs, j'ai ri, j'ai pleuré... Bref j'ai beaucoup aimé et je le recommande à tous ceux qui veulent passer un bon moment !
Donc j'ai retenté l'expérience avec Nous irons tous au paradis, en pensant avoir trouvé là une auteure au style un peu facile mais plutôt efficace, qui me procurerait un petit moment de détente au milieu de tous ces classiques sérieux que je lis la plupart du temps...
Bon. Je crois que ma note parle d'elle-même... Cette seconde expérience n'a pas été un grand succès.
Déjà, Fannie Flagg n'aurait jamais dû confier l'écriture de ce livre à sa petite nièce de 9 ans... On est trop naïfs à cet âge-là et on écrit un peu comme ça vient... (ah, non, on me dit dans l'oreillette que c'est bien une adulte qui a écrit ce livre ! Au temps pour moi !). Le style de ce livre m'a fait penser à ces films qui montrent des écrivains en train de pondre des romans à haute voix en pianotant sur leur clavier sans jamais s'arrêter ni se relire. C'est ce qui a dû se passer ici. C'est la seule explication.
En fait, l'éditeur devait vouloir un nouveau succès après ces fameux Beignets réussis, et cette chère Fannie Flagg a dû se dire qu'en prenant la même recette, ça allait faire un nouveau délice ! Parce que tout ce qu'on peut avoir aimé dans Beignets se retrouve ici : la crise de la cinquantaine de Norma, son nouveau départ, la recette de cuisine, le personnage excentrique, les anecdotes farfelues,
le meurtre du méchant
, tout y est, même le nid de guêpes dans l'arbre !
Sauf que si on remplace les beignets de tomates par du gâteau, Idgie par Elner et Evelyn par Norma, ça fait du gloubi-boulga (qui, je le rappelle, se compose de confiture de fraises, de chocolat râpé ou en poudre, de banane écrasée, de moutarde très forte, de saucisse de Toulouse, « tiède mais crue »). C'est pas bon, quoi !
Pour ce qui est de la forme, ce livre se compose de deux parties bien distinctes : la première, qui dure quand même jusqu'à la page 186, consiste en une succession d'appels téléphoniques et de visites des uns et des autres dans un petit village pour s'annoncer les uns aux autres le décès soudain de cette brave Elner que tout le monde (mais alors, vraiment, vraiment tout le monde !!!) adorait (mais alors, tellement tellement !!!). Ceci vient du fait que cette brave Elner était vraiment très, très gentille et très amusante. Vous l'aurez compris, Elner, c'est LE personnage à aimer, et heureusement qu'on me l'a dit une bonne centaine de fois au fil des pages, parce que sinon, j'aurais pu le rater !
Ces annonces de décès, en plus d'être répétitives, se construisent toutes sur le même schéma :
— Oh, tu sais quoi, cette brave Elner est morte !!!
— Noooonn ! Je peux pas y croire, elle était tellement, tellement gentille !!
— Vouaip, ça va faire vraiment, vraiment tout drôle maintenant qu'elle est morte !!!
— Dire que c'est elle qui m'avait... [insertion d'un service qu'Elner a rendu entre une et cinquante piges plus tôt].
— Oh la la, c'est terrible ! Je vais vite aller appeler... quelqu'un d'autre.
Et ceci pendant 186 pages !!! C'est pratique, ça nous amène à la moitié du bouquin !
Là, j'avoue, pendant ma lecture j'ai eu un peu peur qu'on nous fasse le coup de la contre-annonce de décès pendant les 200 pages suivantes. Dieu merci, ces contre-annonces sont bouclées en quelques pages.
Bon, après, c'est un peu plus fouillis... Dans la seconde partie on trouve :
— un semblant de parole divine : il faut être gentil, sourire, et si t'es déprimé, adopte un chat, ça ira mieux !! Cette bonne parole m'a mise mal à l'aise. Avec les horreurs qu'il y a dans le monde, résumer la chose à "arrêtez de faire la gueule et tout ira mieux" est un manque de respect envers ceux qui habitent autre part qu'en "Amérique privilégiée" ! Va dire au mec qui descend du soufre de la montagne à s'en déformer les épaules qu'il faut juste qu'il décroche un sourire et adopte un chat ! Bref, j'ai trouvé ça malsain et autocentré !! C'est facile de l'être dans nos sociétés, on l'est tous un peu à un moment ou à un autre, mais quand on écrit un livre de ce genre on se doit de penser un peu à la vie des humains d'ailleurs !
— une tentative désastreuse d'aborder le sujet des EMI (qui se résume ici à ce qu'on a vaguement pu entendre à la télé au moins une fois dans sa vie)
— des fins de sous-sous-sous intrigues commencées dans la première partie et qu'on avait déjà oubliées.
(Je ne parlerai pas de l'histoire d'amour improbable entre Linda et ce médecin vu 30 secondes des mois auparavant. Nonon, je n'en parlerai pas.)
— des "métamorphoses" racontées dans le style d'une fin de conte de fées : les méchants devinrent gentils et le restèrent toute la vie entière tellement ils étaient devenus gentils.
Exemples :
Ressorti vivant de l'établissement, Shimmer fit le voeu de ne plus jamais traîner en justice aucun médecin ni hôpital. C'était un homme transformé.
ou :
Winston Sprague cessa d'être un individu arrogant et imbu de lui-même.
... et ils vécurent heureux parce que c'était tellement mieux que d'être malheureux...
— et... en fait, je ne sais même plus comment l'auteure a comblé ces 200 dernières pages tant il n'y avait rien à dire de plus sur cette EMI improbable.
Alors, je ne veux pas casser le moral à ceux qui veulent des bons sentiments et du positif pas prise de tête, je comprends tout à fait cette envie la ressentant moi-même régulièrement, mais je pense qu'il y a vraiment beaucoup mieux que ce pur produit de la littérature de consommation pour ça ! Certains téléfilms de début d'aprèm sur M6 ou TF1 m'ont déjà fait ressentir plus de choses que ça !
En revanche, si vous avez aimé, c'est très bien ! C'est ce que j'espérais moi-même ! Parce que quand ce genre de livre fait mouche, c'est très sympa et ça fait du bien ! Soyons indulgents avec nos moments feel-good quand ça le fait (et honnêtes quand ça le fait pas) :)