La grande faiblesse de ce roman tient dans le déséquilibre causé par les multiples temporalités qui se relayent sans trop de logique dans les, eux aussi multiples (et souvent courts), chapitres : ces allers-retours incessants fatiguent plus qu'ils ne captivent, d'autant plus que l'épisode haletant du début du livre, celui qui prend vraiment aux tripes, ne trouve une conclusion que dans les dernières pages... Entre-temps, c'est un défilé de personnages, tous marginaux à leur façon, dont le capital de sympathie auprès du lecteur reste relativement bas puisque dès que la jauge de l'un commence à se remplir, un autre vient le remplacer.
Pour autant, l'anticipation proposée par l'auteur est intéressante, elle réemploie des réalités françaises bien actuelles (les « black blocks », les Grenelle de l'environnement, la dernière loi antiterroriste...) pour créer à partir de ces éléments-là une fiction somme toute outrancière qui place la jeunesse à la tête d'un soulèvement prônant le retour aux fondamentaux, à la terre. Si le résultat est suffisamment effroyable pour saisir les esprits, Vincent Villeminot aurait gagné à approfondir la société que les héros fuient afin de mieux justifier cette grande évasion ; quitte à écrire un gros roman, autant en détailler le plus possible l'univers — tout en gardant une narration linéaire pour ne pas perdre le lectorat le plus jeune, déjà aux prises avec un vocabulaire assez complexe.
Une histoire qui vaut donc la peine d'être lue mais qui aurait mérité d'être divisée en deux, voire trois romans distincts (un par époque développée peut-être) afin de proposer une utopie de bonne facture.