J'ai l'impression d'avoir vécu ce que Karim Debbache met tout le temps en avant dans ses chroniques sur le cinéma nanardesque : voir des trucs tout nazes permet de comprendre pourquoi c'est naze, et permet d'éviter de reproduire les mêmes erreurs. Et bien là c'était pareil, mais en littérature. Quelle purge, ce bouquin ! Il suffirait d'écrire tout le contraire pour avoir un chef d'oeuvre.
Pour situer le contexte, je suis passé devant au hasard en librairie et je me suis dit "ah tiens, de la sf japonaise, je n'en ai jamais lu, en dehors des manga et des anime, si j'essayais celui-là ?" J'aurais mieux fait de glisser sur une peau de banane. Ghost in the Shell, premier du nom, où es-tu ? Akira, Gunnm, où êtes-vous ? Sauvez-moi de ce crachat sur votre héritage !
A peu de choses près, ça m'a fait le même effet que le bouquin de Liu Cixin, dont j'ai refoulé le titre (ah si, ça me revient, "le problème à 3 corps", je crois) et qui en plus a reçu un prix Hugo ou Nebula. Qu'est-ce que c'est mal écrit. Qu'est-ce qu'on s'emmerde. Qu'est-ce que c'est long. Qu'est-ce que les personnages sont en carton. Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour... Ah non, cette expression est désormais bannie du langage courant pour cause de film racisto-décomplexé.
Il y a une bonne douzaine de personnages, chacun est interchangeable avec les autres, mise à part une japonaise à la coupe afro orange (gros cliché sur le look excentrique des jeunes japonais branchés...) qui s'avère être une tueuse en informatique, et qui s'avère être l'assistante d'un mec qui arrive à faire des calculs orbitaux de tête, et qui s'avère aussi être la cousine du méchant derrière tout le traquenard machiavélique, qui est un ingénieur japonais passé en Chine et recruté par la Corée du Nord pour mettre en place un plan machiavélique à base de destruction machiavélique de tous les satellites en orbite basse pour machiavéliquement pouvoir donner une seconde chance aux pays hors de la cours à l'espace de pouvoir reconquérir l'espace, mais parce qu'en fait c'est un idéaliste qui croit que la science nous sauvera tous, mais en fait il a basculé dans le côté obscur du terrorisme machiavélique parce que l'administration japonaise n'a pas su reconnaître son talent.
T'as rien compris pas vrai ? Et pourtant, je l'ai faite courte. Parce qu'il y a aussi des pilotes de l'US Air Force, des espions chinois infiltrés chez les japonais qui vont à Téhéran chercher l'inventeur originel du concept génial à la base de toute l'histoire, mais c'est sans compter la CIA et les agents infiltrés nord coréen, ainsi que le clone d'Elon Musk et sa fille qui vont faire un premier voyage dans son hôtel orbital.
Déjà qu'en le lisant, j'ai trouvé que c'était d'un inintéressant rarement atteint, mais en relisant ce que je viens d'écrire en guise de faux résumé, je me rends compte à quel point ce livre est une daube. Amoureux de la SF, passe ton chemin !!! On dirait du Cryptonomicon pour ta grand'mère qui vient de découvrir ce qu'est un smart phone. Et je ne veux surtout pas être insultant envers ta grand-mère. C'est juste que ce côté "j'écris de la SF alors je mets plein de référence de geek avec des Raspberry Pi et du piratage en shadow ware de pubs internet" hé ben ça tombe à plat comme jamais.
Revenons-en à Elon Musk, si vous le voulez bien. Juste pour montrer le niveau du truc. Tout le monde connaît l'histoire d'Elon Musk. Il a inventé Paypal, un service révolutionnaire de paiement en ligne, puis il a lancé Tesla (mais ça ça ne nous intéresse pas pour notre sujet) et bien entendu Space X, avec comme projet de (entre autre) développer le tourisme spatial. Bon. Et sachant, en passant, que pour donner de l'épaisseur au personnage de Tony Stark, dans les films Marvel, ils se sont inspirés d'Elon Musk (qui fait d'ailleurs une apparition dans Iron man 2). Bon. Hé bien figurez-vous que dans ce bouquin, il y a un des persos centraux qui a développé un service de paiement en ligne révolutionnaire, et qui a lancé une entreprise spatiale pour développer le tourisme en orbite, et qui s'appelle... Ronnie Smark. Ronnie Smark. Smark. Ca n'existe même pas, comme nom américain. Smark. Qu'est-ce que c'est que ces calembredaines ? On dirait le bruit d'un bisou en vomissant. Je ne comprends pas l'intérêt de créer un personnage totalement calqué sur un homme existant, sans le nommer précisément, mais en faisant tellement de clins d'oeil pour que le lecteur comprenne qu'il a du s'en choper une conjonctivite. Quel est l'intérêt de baser un personnage fictif sur un personnage réel de manière si claire ? Surtout qu'il n'apporte strictement rien à l'histoire.
Et tout est à l'avenant comme ça. Les trucs complètement "comme de par hasard", les personnages avec des capacités hors du commun pile dans la branche scientifique dont on aurait bien besoin de quelqu'un de pro pour faire avancer l'histoire. L'histoire est sans aucun intérêt (en une ligne sérieuse cette fois : c'est l'histoire de plusieurs personnes passionnées d'astronomie qui s'allient avec la CIA et le NORAD pour contrecarrer un plan terroriste pour détruire tous les satellites en orbite avec un nouveau système de satellite/arme) Voilà, c'est pas folichon, ça n'a aucune ampleur ni aucun souffle, ni envergure, ni vision, d'ici cinq à dix ans, ce sera complètement périmé. Ca non plus je comprends pas : quel est l'intérêt de faire de la SF qui se passe dans 10 ans ou à peine plus, et basée sur des concepts quasi actuels ? En terme d'inventivité, ça fait déjà dépassé aujourd'hui.
Mon dernier espoir résidait dans un développement quelconque des personnages, mais bon. C'était trop demandé, a priori.
Aucun intérêt, donc, si ce n'est celui de se faire du mal. J'en suis rendu à me demander pourquoi je lui ai même mis 2 étoiles. C'est encore trop. Mais je les laisse juste pour le talent d'avoir réussi à me faire espérer quasiment jusqu'au bout que ce serait peut-être vaguement un peu bien à un moment.