Quelle ironie, pour un film qui porte un tel titre. D'ici deux jours, tout aura disparu de ma mémoire...
Je ne vous refais pas le pitch, tout le monde l'a, Miami engloutie dans les flots, ambiance film noir, technologie de récupération des souvenirs, quête d'un amour disparu qui n'est pas ce qu'il semble être.


Alors pour poser les choses d'entrée de jeu : je lui mets 4 étoiles pour le rêve qu'il m'a vendu : la cocréatrice de Westworld aux commandes, avec un scénario sur une tech de captation des souvenirs dans une ambiance de fin du monde suite à la montée des eaux, avec un casting de fou. Shut up and take my money !


Hé ben je les ai bien sentis passer, là, les 18 balles pour deux...
Tout est bof, dans ce film. Les acteurs ne se foulent pas, toutes les idées potentielles sont inexploitées, au traitement vu et revu, les images, qui auraient pu être sublimes, restent quelconques, la musique est absolument inutile, bref, il n'y a rien qui va. Le pire, c'est que je ne suis même pas en colère (parce que ce n'est pas mauvais à ce point), mais juste tellement sidéré par la différence entre ce que j'imaginais et le résultat.


Je ne vais pas faire la liste de tout ce qui m'a posé problème (j'ai autre chose à faire et vous aussi), donc juste quelques points en vrac (et il risque d'y avoir du spoiler. En tout cas, je ne vais pas me gêner, pas pour ce film) :
- Miami submergé. Pourquoi ? Dans quel but ? En quoi le fait d'avoir choisi ce décor très particulier a-t-il un sens pour l'histoire ? L'histoire aurait-elle été différente si ça se passait à Paris dans les années 2030 ou en Chine à l'heure actuelle ? Absolument rien dans le scénario n'a besoin de ce choix d'environnement. Alors oui, bien sûr, la montée des eaux, la montée de l'inconscient, l'oubli, donc la nostalgie, donc la motivation pour utiliser la machine à souvenir. Vous me pardonnerez mais c'est un peu léger, niveau traitement.
Je vais faire une comparaison pour être plus concret : la scène de la plage dans Inception (je reviendrai peut-être sur le demi-millions de parallèles qu'on peut faire entre ces deux films). La scène de la plage, donc, où Cobb se réveille à moitié fouetté par les vagues. Cette scène se répète 4 ou 5 fois dans le film, est portée par une musique dantesque, est chargée de sens (tout ce que j'ai dit avant sur l'inconscient, qui est montré ici de manière littérale) et ça défonce ! Parce qu'elle sert le discours du film, parce que le travail sur le symbolisme a été mené au bout. Dans Reminiscence, rien du tout. Ca donne la sensation que ça a été mis là, Miami sous les eaux, l'opposition entre les Barons et les pauvres gens, les différents quartiers suivants où on se situe par rapport à la ligne des eaux, tout ça n'a été mis là que parce que c'est dans l'air du temps. Rapport avec l'histoire ? Zéro ou si peu. L'univers du film n'a aucun impact sur l'histoire, et l'histoire aucun impact sur l'univers du film.
De même avec la scène où Mae (Rebecca Ferguson) parle de la maison sur pilotis où elle a été sauvée et sevrée. Il y avait moyen de rendre les images tellement plus percutantes, tellement plus mémorables, mais non, c'est juste posé là. Voilà, merci, démerdez-vous avec ça.
- La musique de Ramin Djawadi. Il nous a habitué a tellement plus d'impact avec les deux premières saisons de Westworld ! Et là, c'est tellement... banal. Tellement chiant. Il a tenté un truc, mixer un peu une ambiance western et une ambiance noire, parce que ça aussi c'est la mode, de mettre une ambiance oldschool avec de la SF (Cowboy Bebop, Westworld, l'Animatrix dont j'ai oubliée le titre qui se passe dans une ambiance ultra noire, Bienvenue à Gattaca, Dark City, etc...) Globalement, je suis très client de ce genre d'ambiance, mais là, ça ne fonctionne pas. La musique m'a plus dérangé qu'autre chose. Si on était sur quelque chose du niveau d'un Hans Zimmer des grands jours ou d'un Lorne Balfe ou d'un Johann Johannson cuvée Premier Contact, je me serais totalement fait embarquer et j'aurais été beaucoup plus complaisant avec tout le reste.
- Et contrairement à Westworld, justement, Lisa Joy n'a pas osé aller au bout de sa vision (ou on l'en a empêché, peut-être, je n'en sais rien, et ce n'est pas le sujet) et faire quelque chose de franchement contemplatif à la Villeneuve. Parce qu'avec l'univers qu'elle pose, il y avait tellement moyen de faire des plans incroyables, lents, chargés, portés par une musique atmosphérique. Mais non. Rendez-vous compte, les gens reviennent à peine dans les cinémas, faudrait pas les faire fuir avec un film chiant... Résultat : un faux rythme tout du long. Ca ne bouge pas vraiment, mais ça ne se pose pas vraiment non plus.
- La machine à souvenir ("la cuve") : utilisation tellement basique, alors qu'il y avait tellement plus à faire, même si ça a déjà été exploité dans plein de films/JV/séries. Manipulation ou distorsion des souvenirs, organisation criminelle à grande échelle sur le vol de souvenirs, difficulté à percevoir la différence entre souvenir et réalité (oui je sais, ça ça y est, mais c'est tellement survolé que ça ne compte pas), comment la société dans son ensemble s'est organisée autour de cette nouvelle technologie qui apparemment fait fureur mais en fait on ne voit pas grand monde l'utiliser ?
Autre comparaison : dans Avalon, de Mamoru Oshii, toute la société est organisée autour de ce jeu en VR, on le comprend bien, ça a un impact sur la vie des gens parce qu'on peut y gagner sa vie ou s'y perdre pour toujours, donc finir le jeu est un but en soi dans l'univers du film, donc tout se tient et c'est un chef d'oeuvre. Dans Reminiscence, ça revient juste à poser cette technologie là, et voilà, merci, démerdez-vous avec ça. C'est cool, hein ?
Alors oui, je sais que dans Westworld, ils ont eu deux saisons pour faire le tour de toutes les thématiques soulevées par l'utilisation des androïdes et le transfert de la conscience (on ne parle de la 3e saison, c'est une maison de bonne tenue, ici, merci) et là elle n'a que deux heures pour faire le taf, mais merde, quand même. C'était trop demander de creuser un peu ? Dans Inception, à la fin, j'ai le sentiment qu'on est allé au bout des choses, on a poussé la logique jusqu'au bout. Dans Reminiscence, le seul moment qui a failli faire monter un frisson se situe vers la fin, quand Mae parle au mec à la tête cramée et qu'on comprend qu'elle s'adresse en fait à Nick, sachant qu'il aura piraté les souvenirs dudit mec à la tête cramée. Voilà, ça c'était bien ! Tout le film aurait dû être comme ça, tout en faux-semblants, en exploitation des souvenirs, en... n'importe quoi, ce que vous voulez, mais quelque chose de plus consistant que ce que Lisa Joy nous a servi.


Bref, je pense que vous avez l'idée globale que j'essaye de vous faire passer.
Très sincèrement, si vous ne l'avez pas vu, je ne peux que vous conseiller de vous abstenir. (Re)matez-vous Inception à la place, ou Avalon, ou Dark City, ou Waterworld, même, tiens. Voilà un film qui a su exploiter son univers de terre submergée.


En fait, j'arrête là, parce qu'il y a tellement tout qui rate que j'en suis blasé. N'y allez pas.

iceman273k
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le 27 août 2021

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