Rien n'est moins sûr. D'autant qu'il faut savoir de quoi il retourne quand on parle de vérité dans Numéro Zéro. Alors certes, ce n'est pas Le Nom de la Rose, mais le livre ne mérite pas le rejet que certains lui réservent.
L'histoire est prenante, on s'attache à des personnages bien dessinés et surtout à une intrigue qui cherche à nous mindfuck dès le titre et le premier chapitre. De quoi on parle ? D'un journal qui n'existe pas. Qui y travaille ? Des employés à qui on ne dit pas tout. On a le sentiment d'être dans un microsystème politique à la 1984 (toute proportion gardée bien entendu) où l'équilibre instable ne demande qu'à être renversé, la folle entreprise contrecarrée.
La paranoïa le dispute sans cesse à un complotisme malsain dans un univers où on reconnaît la marque créatrice d'Umberto Eco, aidée d'une érudition inégalable. La théorie de Braggadocio (qui ne porte d'ailleurs pas son nom pour rien, grande gueule qu'il est) concernant Mussolini est élaborée dans ses moindre détails, elle répond à toutes les questions. Mais c'est une vérité qui dérange tout comme les scandales qui intéressent tant cette presse à sensation qu'on cherche à mettre sur pied avec le Domani.
L'ombre d'un danger plane sans cesse au-dessus du récit, tenu sous la forme d'un journal, permettant ainsi une bonne immersion dans le déroulé des évènements. Pour autant, les aléas, les cas de conscience, les périls qu'encourent le héros et son entourage ne semblent pas troubler un monde anesthésié, gavé à l'information instantanée, la plus choquante possible. Ce monde "connecté" (on se rappelle de l'exergue « Only connect ! ») ne cherche pourtant pas à faire les liens, à pousser plus loin pour trouver une vérité qui, comme le dit Maia, ne l'intéresse pas.
« Le monde est un cauchemar mon amour. Je voudrais bien descendre, mais ils m'ont dit qu'on ne peut pas, nous sommes dans un train direct sans arrêt intermédiaire. » La description désenchantée d'une époque qui ne trouve plus d'adrénaline que dans la mise en fantasme des quelques parcelles d'information qu'on veut bien lui fournir fait mouche. Et je souhaite bien du courage à Antoine Krempf pour y discerner le vrai du faux.