Comme chaque été, sept membres du collectif ZO [en hommage à Zo D’AXA] mandatés par leurs groupes respectifs, se rencontrent et passent quelques jours ensemble. Ces quelques journées de vacances studieuses sont l’occasion de faire le point sur les actions passées du collectif et elles leur permettent de planifier l’avenir. Elles sont évidemment loin d’être calmes car les individualités s’y affrontent dans leurs contradictions et chacun y met à l’épreuve son engagement idéologique. Engueulades fraternelles et réconciliations autour d’une bonne bouteille de vin sont au programme. Heureusement, la perspective d’œuvrer pour une juste cause gonfle leurs cœurs et leurs intellects d’espoir car il s’agit, ni plus ni moins, d’assurer la pérennité de leur petite communauté afin de permettre à ses membres de continuer à vivre leur petit matin tranquille, loin de l’emprise du Marché mondialisé et de son chien de garde : l’Etat. Mais, contradiction oblige, ces vacances se doivent aussi d’éviter de reproduire le modèle aliénant du travail. Bref, l’équilibre est délicat à obtenir pour des disciples respectueux de Paul LAFARGUE et tout cela promet moult motion et objection à l’ombre des pins.
Cette année, la rencontre a été organisée dans un camping naturiste tenu par un sympathisant : Harrar. A poil, on ne peut rien se cacher ! Pour Calo, Brett, Thomas, Sonia, Anna, Laurence et William, l’expérience est nouvelle. Cependant, ce n’est pas celle-ci qui va mettre leurs convictions à dure épreuve. C’est plutôt, ce crime commis peu de temps avant leur arrivée car, de fil en aiguille, les anarchistes vont devoir se coltiner le rôle de leurs deux pires ennemis : la police et la justice.
"Au lieu de tuer et mourir pour produire l’être que nous ne sommes pas, nous avons à vivre et à faire vivre pour créer ce que nous sommes." Albert CAMUS
Quatre gars, trois filles, la mer et des corps nus. Il y aurait là, matière à une sitcom, sans doute appelée à rencontrer un grand succès télévisuel, si le sujet n’était pas un peu plus grave. Bien sûr, Jean-Bernard POUY se laisse aller à son penchant pour les bons mots et les trouvailles langagières. Il met en scène d’une manière drolatique la contrainte de la nudité qu’il s’impose d’emblée [on ne rappellera jamais assez que le principe de la contrainte est fondamental chez l’auteur]. En même temps, il relate avec une grande acuité les méandres de l’autogestion et aménage quelques pauses primesautières dans les longs débats du collectif. Cependant, sous la légèreté du ton affleure un questionnement plus grave que POUY adresse à sa communauté de pensée : l’anarchisme.
Avec « Larchmütz 5632 », l’auteur avait donné la parole à une vache télépathe [sa contrainte du moment] afin de raconter la cruelle désillusion d’une cellule anarchiste dormante, réactivée et manipulée pour accomplir la basse besogne de son pire ennemi.
Dans « Nus », c’est ici une génération différente de l’anarchie qui est mise en scène. Pour ces successeurs, le combat n’est plus affrontement mais aménagement, celui d’un monde conforme à leurs idéaux à côté de la réalité sociétale issue du Marché mondialisé. Les sept militants n’y dénudent pas uniquement leur corps. C’est leurs convictions intimes, les œuvres vives de leur être qui sont mises à nues par un coup funeste du sort. Comment réagir face au crime et face à la trahison lorsque l’on est impliqué personnellement. Comment réagir en anarchiste, c’est-à-dire en refusant la morale bourgeoise. Comment punir, tout en sachant qu’un anarchiste se doit de toujours donner la chance du repentir. Comment rendre un jugement, tout en sachant que l’on devra rendre des comptes. C’est à toutes ces questions que les sept membres de ZO doivent faire face et c’est en cherchant à démontrer ce qu’ils veulent être que nos anarchistes finiront par se prendre en pleine face, ce qu’ils sont.
La cruelle pirouette finale ne vient que le souligner.