Voilà un bien beau bouquin , Pulitzer Prize en 2009, qui m'a énormément plu en dépit d'aspects qui auraient pu me perturber. En effet le format du roman est incertain et on pourrait aussi bien l'appeler un recueil de nouvelles, ce qui me chagrine parfois. Et pourtant non, ça marche du tonnerre, cette histoire, qui nous raconte la vie d'une petite ville du Maine, vue dans la proche proximité d'un couple qui va vieillissant doucement, Olive et Henry.
Olive Kitteridge apparaît en effet parfois comme personnage principal, parfois comme une intervenante dans un récit qui la concerne peu, parfois juste comme une image qu'on attraperait du coin de l’œil. Mais elle est là, et apporte sa continuité au récit. Elle parle peu, Olive, mais quand elle parle, une certaine vérité sort de sa bouche qui vous colore le chapitre tout entier et votre esprit de lecteur/trice. Extraordinaire présence d'un être fictif..
Autre facette de cet oeuvre qui aurait pu me gêner: le livre semble presque avoir une audience cible, un public d'un âge déjà avancé et apaisé, et toutes ces histoires américaines sont vues dans un nuage de nostalgie, de remord parfois. Mais ce parti pris ne gêne nullement, au contraire: ce livre est une machine à créer des sentiments chez le lecteur, à évoquer les vies internes de gens que vous ne connaissez pas avec une force assez poignante.
Peut-on critiquer un livre parce qu'il est trop émouvant, trop vrai? On pourrait alors en faire le grief à "Olive Kitteridge". Je reste abasourdi par la finesse d'observation d'Elizabeth Strout et sa capacité à transmettre ces observations à petites touches, sans insister.
Bon le truc, c'est que l'écriture est superbe. La lecture avance dans un temps très long , 30 ans presque, et tous les grands événements (naissance, mariage, mort) sont presque tous des remarques à peine esquissées, mais dont on les lit les traces profondes chez les personnages. Les gens naissent et meurent dans ce roman au détour d'une phrase, dans un soupir. Étonnant. (Comme d'hab, je lis en VO, et je ne sais pas si le français peut rendre la légèreté de l'anglais original...)
Les thèmes abordés sont assez sévères, il faut le remarquer : le suicide traverse beaucoup des 15 nouvelles, qu'il soit central ou non. La dépression sous des formes diverses vient frapper à la porte de nos personnages, et la mort bien sûr rôde sur la petite ville du Maine. En fonction de vos goûts certains chapitres vous plairont plus ou moins que d'autres c'est clair mais la qualité, elle, est bien au rendez-vous.
Mais peu importent les drames, vous rencontrez surtout d'excellents personnages en la personne de Olive (colérique, et pourtant au coeur d'or) de son mari Henry (amoureux de la vie, trop gentil) , et perso, je ne suis pas prêt de les oublier, un peu comme pour une certaine famille Fisher ... A noter qu'ils sont superbement interprétés en série TV par Frances Mc Dormand et Richard Jenkins. Ce livre regorge d'une émotion et d'une intelligence rare sur sur nos vies intérieures et je ne peux qu'en recommander la lecture, guys et guysettes.
PS: pour répondre à la remarque de Shimamoto-Cha , je recommanderais de voir la série avant de lire le livre, mais c'est juste une préférence , pour aider à la visualisation des personnages.