Le recueil présente trente et un poèmes de Philippe Jaccottet, choisis dans son recueil "A la lumière d'hiver". Jaccottet s'interroge sur la validité des mots, parfois déconnectés de la réalité des choses. Les thèmes les plus fréquents sont le passage du temps, le vieillissement ou la mort. Si l'essentiel reste invisible, la poésie l'effleure comme une lampe magique pour le faire apparaître à la conscience.
Mon poème préféré n'a pas de titre, commence par "Aide-moi maintenant". Je l'intitule "Dans le mystère et la fraîcheur de la nuit" car il en est une expérience spirituelle : "C'est le temps même qui marche ainsi dans ce jardin (...)
c'est la nuit même qui passe." Le poème raconte, entre jour et nuit, une marche en éclaireur du temps dans le mystère et la fraîcheur obscure :
"L'obscurité lave la terre. / C'est comme si l'immense
porte peinte du jour avait tourné
sur ses gonds invisibles, et je sors dans la nuit,
je sors enfin, je passe, et le temps passe
aussi la porte sur mes pas."
A plusieurs reprises, Philippe Jaccottet questionne la validité d'affirmations de jeunesse : "Fleurs, oiseaux, fruits, c'est vrai, je les ai conviés,
je les ai vus, montrés, j'ai dit :
"c'est la fragilité même qui est la force",
facile à dire ! et trop facile de jongler
avec le poids des choses une fois changées en mots !"
Pourtant le poète vieilli insiste "hors de tout enchantement", reprend à son compte l'affirmation juvénile.
Quand la mort se rapproche, le bilan désillusionné d'une vie nous guette. Comment verser son obole à Charron ? Peut-être grâce à la légèreté de son âme, aussi légère qu'une plume...
"Tant d'années, / et vraiment si maigre savoir,
cœur si défaillant ?
Pas la plus fruste obole dont payer
le passeur, s'il approche ?
- J'ai fait provision d'herbe et d'eau rapide,
je me suis gardé léger
pour que la barque enfonce moins."
Avant-propos et choix de poèmes par Alain Velter.