Alors que la Grèce s’apprête à basculer dans la guerre civile, le jeune Jordi rejoint les Brigades internationales qui commencent à se former aux frontières de l’État grec. Venus pour lutter contre les colonels putschistes, derrière lesquels se dessine l’influence de la Ligue Hanséatique, ces combattants issus de diverses nations se rassemblent, prêts à en découdre avec l’ennemi. Mais, on leur propose une autre sorte de combat, où la capacité à rêver importe davantage que les compétences guerrières.
Inédit jusqu’à sa publication par les éditions Armada, Oniromaque est une œuvre posthume sans prétention à laquelle on prend plaisir sans vraiment s’enthousiasmer. Écrit par Jacques Boireau, auteur dont la bibliographie confidentielle se limite à quelques nouvelles, dont une auréolée d’un prix Rosny aîné en 1980, le roman évoque par sa thématique les univers divergents de Philip K. Dick. On pense en effet beaucoup à Le Seigneur du Haut-château en lisant cette uchronie faussement personnelle, mais aussi à L’œil dans le ciel, tant les effets de l’oniromaque rappelle les univers subjectifs des personnages de Dick, même si ici les rêveurs semblent en mesure d’interagir avec la réalité au point d’en modifier les paramètres historiques.
Jacques Boireau s’y connaît en matière de doute sur la réalité. Il brouille astucieusement les pistes, semant avec parcimonie les indices pour dévoiler petit-à-petit une uchronie où les différentes réalités et temporalités s’enchâssent à la manière de poupées gigognes dont les parois finissent par se fondre en un continuum parallèle.
A ce procédé vertigineux, l’auteur ajoute un goût manifeste pour le pastiche, l’exercice de style et le détournement d’œuvres littéraires bien connues. L’amateur s’amusera ainsi à retrouver parmi les hommages de l’auteur une version alternative du Désert des Tartares avec un Dino Buzzati mutique, du Céline dans le texte, André Malraux en brigadiste convaincu, une utopie urbaine inspirée de Claude-Nicolas Ledoux, des zeppelins menaçants et bien d’autres visions oniriques, inquiétantes ou poétiques.
Bref, si en matière de mise en abîme de la réalité Oniromaque n’atteint pas les sommets des romans de Michel Jeury ou de André Ruellan, il se révèle toutefois comme une petite curiosité à l’atmosphère rétro pas désagréable, avec comme seul bémol une intrigue un tantinet mollassonne, répétitive et convenue.
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