Après La Chambre noire de Longwood, livre sur l'exil de Napoléon à Saint-Hélène, Jean-Paul Kauffmann poursuit sa quête à la recherche de traces de ce destin hors norme qui a bouleversé et structuré notre histoire nationale.


Cette fois-ci, l'écrivain se rend dans l'enclave russe de Kaliningrad, ancienne province de la Prusse-Orientale, cédée à l'ex-URSS au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il y a près de 200 ans, les 7 et 8 février 1807, se déroulait l'une des batailles les plus fascinantes des guerres napoléoniennes : la bataille d'Eylau durant laquelle les armées françaises vont affronter l'armée impériale russe et vont remporter sur le fil du rasoir une victoire qui fût coûteuse en hommes et marquera durablement l'imaginaire collectif pour sa barbarie.


"Mon amie, la victoire m'est restée mais j'ai perdu bien du monde" écrira Napoléon à Joséphine, quelques heures seulement après l'issue incertaine de cet affrontement. Si la bataille d'Eylau est aujourd'hui presque oubliée, à la différence de celles d'Austerlitz ou de Waterloo, elle fut pourtant l'une des plus décisives et importantes de l'aventure napoléonienne.


Victoire à la Pyrrhus, cette bataille symbolise toute la fragilité du projet militaire et politique de Napoléon qui remettait en jeu son destin, et sa propre vie, à chaque affrontement. D'une violence rare, elle est préfigure la barbarie des guerres modernes, où la mort foudroie les hommes à coups de sabots ou de boulets de canon. Le terme de "boucherie" sera d'ailleurs inventé par Chateaubriand suite à cet épisode.


Les contemporains de cette bataille saisiront l'importance de l'évènement. En réponse à une commande de l'Empereur, Antoine-Jean Gros peindra une toile monumentale, visible aujourd'hui au Louvre et captant toute la dramaturgie de cet épisode, tandis que Victor Hugo composera un poème intitulé Le cimetière d'Eylau et Honoré de Balzac écrira Le Colonel Chabert, histoire d'un revenant d'entre les morts.


En se rendant sur les lieux, à l'occasion du bicentenaire de la bataille, Jean-Paul Kauffmann tente de saisir et de comprendre ce passé révolu. S'il est difficile voire impossible de retrouver des traces de la bataille, à l'exception de l'église d'Eylau, aujourd'hui transformée en usine, Jean-Paul Kauffmann mobilise de nombreuses sources écrites de témoins de la bataille afin de reconstituer le déroulement des évènements. Cette quête montrera surtout qu'il est impossible de décrire et expliquer avec clarté des évènements passés, qui eux-mêmes se sont déroulés dans l'ambivalence et la confusion.


Au fil des pages, le livre de Jean-Paul Kauffmann dévoile également les cicatrices passées de son auteur, qui a été pris en otage durant plusieurs années au Liban et s'identifie au personnage du Colonel Chabert, considéré comme mort durant la bataille d'Eylau et parvenant difficilement à se réintégrer dans le monde des vivants.

Zeldafan70
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le 9 juil. 2019

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