The Damned United

Le Paris Saint-Germain est un club romanesque et excessif, aussi raillé qu'admiré et c'est peu dire qu'il méritait mieux que ce pavé illisible pour retracer son histoire.

Plus grand succès 2018 dans le domaine de l'édition sportive, on ne peut qu'être démoralisé à l'idée qu'une jeune génération de lecteurs en fasse son livre de chevet. Bien sûr, les révélations autour des inimitiés dans le vestiaire du PSG ne s'adressent pas en premier lieu aux fanboys de Balzac ou Flaubert... Mais ce n'était pas une raison pour écrire de nombreux paragraphes dénués du moindre sens.

La maison d'édition Amphora s'est littéralement foutue de la gueule du monde en éditant sans la moindre relecture des centaines de pages qui oscillent entre redondances, révélations plus ou moins pertinentes et paragraphes involontairement comiques.

Infos mercato, gorge profonde et kebabs

Le projet initial fédère un groupe de supporters autour du compte Twitter Paris United. Durant l'été 2017, ils se signalent en sortant des scoops sur l'actualité des transferts du club parisien. Certaines infos sont très solides (les signatures de Dani Alvès et de Kylian Mbappé), le petit compte Twitter d'une centaine d'abonnés prend de vitesse les journalistes les plus chevronnés et se fait une sacrée réputation en quelques semaines.

Les membres de "P.U" s’enorgueillissent de sortir ces informations grâce à la qualité de leurs sources. Il faut noter que depuis le départ d'Unaï Emery, Paris United ne sort plus aucune information transfert digne d'intérêt. De là à imaginer que les coulisses du club étaient dévoilées par un proche de l'entraîneur espagnol, il n'y a qu'un pas.

Les révélations sur cette équipe de stars qui roule sur le championnat français depuis des années sont triviales. Des ragots concernant l'hygiène de vie douteuse de certains joueurs sont répertoriés : Ben Arfa est surpris un kebab à la main sur le parking du centre d'entrainement, Marco Verratti serait un fumeur invétéré qui se laisse aller à son vice en compagnie du médecin du club, Matuidi et Kurzawa ont cultivé une addiction à la chicha.

Il est amusant de lire sur une dizaine de pages les histoires improbables de certains de ces millionnaires irresponsables comme des gosses... comme cela peut-être amusant de lire les révélations sur des actrices hollywoodiennes dans Closer quand on attend chez le médecin.

Quelques dysfonctionnements au sein de l'état major du club, difficiles à remettre en doute, sont également exposés. Mais le livre s'efforce surtout à démontrer que le club est dénigré dans les médias et se trouve dans le viseur des instances européennes.

Sur ces points, il est difficile de donner tort aux auteurs. Ces aspects ont déjà été abordés par d'autres journalistes et des amoureux du club (au hasard, le très bon livre de Daniel Riolo et Jean-François Pérès sur la rivalité entre le PSG et l'OM).

Ces éléments sont accompagnés d'une théorie un peu fumeuse, le fameux concept de "parisiannisme", inspiré du modèle de défense médiatique des clubs espagnols. En gros, il faudrait monter des organes de presse partisans chargés de défendre le PSG dans les médias, comme les journaux ibériques peuvent le faire.

Sur le fond, il y a donc des choses à redire, mais ce n'est pas plus idiot que beaucoup de bouquins traitant de l'histoire du club. Le problème est ailleurs.

Obélix, Karl Marx et Patrick Bruel

Le propos de base ne sont pas spécialement révoltant. Je partage certaines idées avec les auteurs. Mais ce qui m'horrifie le plus, en tant que lecteur, c'est bien cette écriture à 4 ou 5 mains (pieds ?). Ce style de collégien en difficulté qui tente d'adopter une plume littéraire avec des références d'ex jeune des années 90. Ça donne souvent des trucs très hilarants :

• "Quand l'homme s'engouffre dans la spirale infernale des passions, il rentre en lui-même avec l'enfer. C'est comme Obélix tombé dans la marmite : il n' y a plus de retour en arrière. On ne vit plus. Plus vraiment. Plus jamais comme avant".


• "On voit d'ici Hoeness pleurer à grosses gouttes dans ses saucisses. Et on espère qu'elles restent meilleures que celles de sa prison dans laquelle on l'a enfermé pour fraude fiscale. Qu'en disait Marx déjà ? " Les bourgeois n'ont pas de morale, ils se servent de la morale". En plein dans le mille Karl".


• "On a diabolisé le goût du sport le plus populaire, sans parvenir à en instaurer le dégoût "Qui a le droit, qui a le droit ? Qui a le droit de faire ça ? A faire la pluie et le beau temps. Pour des enfants à qui l'on ment" chantait Patrick Bruel. C'est la réflexion à avoir : Il faut vraiment que ce jeu soit d'une force inouï pour surmonter le reste".


• "Noir c'est noir. Et plus noir, il n'y a pas noir".


• "Sur l'autoroute de l'indécence, les présidents du Barca ou de la Juve sont, quelque part, obligés d'hurler".


• "C'est un gamin de Paris (Diarra), devenu pèlerin du monde. L'Angleterre. La Russie. L'Espagne. Les Emirats arabes unis. Il disparaît pour réapparaître comme le lapin du magicien. Si la routine est un indicateur de tous les crimes possibles, l'homme a poussé à fond le curseur".

Phrases dénuées du moindre sens, rythmes & constructions grammaticales chaotiques, Insertions d'éléments de pop culture complètement HS (la citation de Bruel, private joke ou pari ?), mentions de grands auteurs pour se donner un vernis culturel, digressions et ressentis qui se voudraient philosophiques mais qui sonnent comme du Jean-Claude Van Damme après une bouteille de bourbon de trop... Bref on dirait les perles des copies du bac, sauf que ça coûte 19 euros.

A noter qu'après ce hold-up, Amphora a remis le couvert avec la "Psgsploitation" en pondant un livre sur la sinistre Remontada. Un projet qui semble encore plus barré, puisqu'il s'agit d'une discussion entre quelques types qui se trouvent assez géniaux au point de s'auto-citer.

A bien y réfléchir, cette démarche est peut-être assumée. Serait-ce une façon de dire que le PSG est à la fois magique et pathétique ? Ce style effrayant serait un hommage à la remontada ou à l'élimination à La Corogne en 2001. On cherche néanmoins la magie dans le livre... Elle n'est ni dans les paquets de clopes de Verratti ni dans la révélation des clauses du contrat de Neymar.