Une finesse critique et un sens de la formule qui impressionnent toujours...
RELECTURE
Découverts avec plaisir via l'un des premiers romans de Jérôme Leroy, relus ces jours-ci via un vieil article sur Rilke dans le Magazine Littéraire, les "Papiers collés" (Tome 1) de Perros me laissent désormais une impression mitigée...
Laissées à "elles-mêmes", ces réflexions et ces aphorismes finissent par s'engluer dans une vision désespérée des rapports amoureux et amicaux, et dans une neurasthénie galopante...
Appuyées à un auteur (Marivaux, Musset, Constant, Rilke, Valéry, ou encore Stendhal), elles révèlent une finesse d'analyse lumineuse et enthousiasmante...
Paradoxe apparent ? Au fond, et c'est déjà beaucoup, Perros serait davantage un très grand critique qu'un penseur ou un poète...
Quelques morceaux choisis :
"Reste ceci : la note existe. Elle est très proche de l'objet. Elle dit à peine ce qu'elle veut dire. Elle est naïve, parce que confiante. Elle laisse l'intelligence de l'autre libre de la finir, de la commencer, ou de l'avaler. Elle est paresseuse et ne tient pas absolument à se faire entendre. A être prise aux mots. Mais préfère sonner, résonner. Son auteur et son lecteur doivent en sortir indemnes."
"Vivre, c'est enregistrer. Ce qu'on appelle l'inspiration, ce ne sont que les moments privilégiés où la cire humaine trouve aiguille adéquate."
"Ce qu'on est, c'est ce qu'on pense involontairement, et qui nous guide au moment où nous nous croyions perdus. Pensées-oiseaux."
"Curiosité, abeille de l'ignorance".
"Dans les Elégies de Duino, Rilke amène au degré de perfection l'aphorisme "poétique". Mais gorgé de philosophie bien assimilée, de vécu métamorphosé. Il y a soulagement. Et littérature. Le poème de Rilke est trop lourd de sens. Le poète est trop intéressant. Sa magie dépend du lecteur. La rareté, la qualité de ce dernier, sauve Rilke."
"Kierkegaard, philosophe détective. Mais il lui importe de ramener vivant le coupable. Tandis que Nietzsche, moins délicat, plus germanique, dirai-je, tue."