Par le vent pleuré, Abel et Caïn le retour

Par le vent pleuré est un roman de Ron Rash que j’avais remarqué pour la rentrée littéraire. Je n’ai malheureusement pas pu apprécier ce roman à sa juste valeur…


Résumé


Eugène Matney, en 2015, lit le journal local. Ce qu’il y apprend le fait basculer dans cet été 1969 qu’il n’a pas su vraiment quitter, toujours plongé dans son ivresse adolescente. C’est durant ce summer of love, fait d’alcool, de drogue et de sexe qu’Eugène commence petit à petit à se révéler loin de son frère, Bill, dans les bras de Ligeia une belle « sirène » des Appalaches. Sauf qu’un jour Ligeia a disparu, emportée bien loin vers ce qu’il croyait être Miami.


Mon avis


C’est la scène d’ouverture du roman qui m’avait tout de suite attirée, sombre, glauque, une narration à la troisième personne dont le personnage principal est une morte, pire encore, les ossements d’une morte qui s’éloignent vers la grande mer.


Mais finalement, avoir lu le Summer de Monica Sabolo m’a quelque peu gâché le roman. Ron Rash ne fait visiblement pas le poids face à l’écriture de Monica, et cela l’a quelque peu affadi à mes yeux, loin de ce marécage émotionnel.


Ligeia n’a pas eu une enfance facile, désormais adolescente rebelle, elle ne semble vivre que pour être heureuse et planer à des kilomètres au dessus du ciel loin de la monotonie de Silva, ce petit bled paumé, loin du catholicisme forcené de son oncle et sa tante, tout simplement loin de cette vie qui ne lui plaît guère.
De leur côté les deux frères, Bill et Eugène, ont toujours vécu sous le joug de leur grand-père, riche, qui les entretenait eux et leur mère quand ils ne les enfermaient pas sous son autorité. Là où Bill a petit à petit fait la fierté de cet homme méprisant avec son don pour la chirurgie, Eugène n’a pu que plaire à sa mère avec celui des mots.
Une jalousie s’installe peu à peu, voire une haine viscérale entre le dernier, boutonneux, encore quelque part innocent et Bill, beaucoup plus sûr de lui :



« Ma thèse, la bible maternelle, le tableau – tout cela ressemble si
peu au frère avec lequel j’ai grandi, tellement sûr de ce qui
convenait le mieux pour nous deux […] Comment Bill aurait-il pu se
voir autrement qu’en jeune prodige ? ».



Une espèce de retour au mythe biblique d’Abel et Caïn, éternelle lutte de la virilité masculine.
Ce roman c’est aussi une histoire d’émancipation, émancipation d’un frère vis à vis de l’autre, émancipation d’un fils vis à vis d’un grand-père tyrannique, l’émancipation de l’adolescence et de toute une société à l’époque des années 60-70 aux États-Unis.
Je dois dire que c’est davantage cette partie, 46 ans auparavant, qui m’a le plus séduite même si j’avais l’impression de revoir des éléments déjà brassés des centaines de fois. C’est cette partie là qui aura influencer toute l’histoire de ces deux hommes : la renommée de Bill en tant que médecin-chirurgien réputé, la déchéance d’Eugène en tant que père alcoolique qui ne revoit plus ni sa fille ni sa femme. La construction de soi se vit à l’adolescence n’est ce pas ? La destruction aussi ma foi…


Tout comme dans Summer, on retrouve les désormais classiques éléments du summer of love avec ses bières, son herbe et le sexe bien sûr, patiné ici de jalousie fraternelle, de mensonges et de génération hippies. On retrouve aussi un narrateur à la dérive, désireux de comprendre et connaître la vérité à qui on l’a cachée pendant des années afin de trouver la paix. Mais également le désir de se racheter, de réparer des erreurs dont il n’est finalement pas vraiment responsable, de se pardonner lui-même.
Une grande ressemblance donc, ce qui ne l’a rendu que plus difficile à traiter séparément.


Le mot de la fin


Le roman avance petit à petit entre ces deux époques, et l’on dérive, comme Eugène, entre ses deux continents qui ont formé sa vie. La chute n’aura pas su me surprendre et finalement le roman ne me laissera rien, ni déception, ni ravissement, juste l’étrange sensation de l’avoir déjà lu.


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Bookeuse
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le 25 janv. 2018

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