Par les Rafales, premier roman de Valentine Imhof, ne s’embarrasse pas de circonvolutions superflues. Droit au but, l’autrice nous cueille dès l’ouverture avec une scène glauque et sanglante, dans le décor impersonnel d’un hôtel de chaîne. Elle prend ensuite tout son temps, dévoilant progressivement l’itinéraire d’Alex, une jeune femme rescapée d’une bien mauvaise rencontre dont elle n’est jamais vraiment revenue indemne.
Entremêlant les fils d’une trame linéaire où présent, passé et avenir se succèdent avec le caractère inexorable d’un destin scellé à l’avance, Valentine Imhof raconte ainsi le parcours criminel d’Alex, semant les cadavres masculins sur son chemin, entre les Shetland et le Nord-Est de la France. Des dépouilles massacrées avec une rage homicide inhumaine. Cette mortelle randonnée placée sous le signe des Nornes, où l’œil du lecteur suit les pensées d’Alex mais également celles des hommes qu’elle côtoie et ensorcelle, dessine le portrait d’une psyché écorchée, une existence fracassée par une douleur intime intense. Un traumatisme ne trouvant son exutoire que dans la violence. Marquée dans sa chair, la jeune femme a également fait de son épiderme un palimpseste sur lequel tatouer des mots pour effacer les maux. Peine perdue, la fatalité est implacable.
Dans une langue crue et imagée, irradiant la paranoïa et une sensibilité à fleur de peau, l’autrice tente de nous faire ressentir la folie qui habite l’esprit d’Alex. On a pourtant du mal à adhérer pleinement à son impossible résilience, à cette déconnexion avec le réel qui la pousse à agir et à réagir. Sans cesse sur le qui vive, sans adresse fixe pour ne pas focaliser l’attention, et pourtant toujours avec l’angoisse aux tripes, Alex semble engagée dans une dérive sans issue. On peine hélas à en discerner le caractère déraisonnable. En fait, tout paraît un tantinet artificiel, notamment dans la relation esquissée avec Anton et dans la manière dont elle se résout. On ne peut s’empêcher en effet de trouver le procédé abrupt, voire artificiel.
Le récit ne manque toutefois pas de qualités, en particulier une énergie brute qui s’exprime sans concession lors des scènes de violence. Les multiples allusions à la mythologie nordique, Loki, Nornes, Völuspá et J. R. R.Tolkien y compris, ne gâchent rien. Bien au contraire, elles renforcent le fatalisme sombre du récit et l’âpreté du dénouement. La liste des tatouages indiquée en tête de chapitre et la playlist en fin d’ouvrage fournissent un bonus bienvenu, histoire de prolonger ou d’accompagner la cavale d’Alex.
On le voit, Par les Rafales promet beaucoup. Mais si le roman de Valentine Imhof ne tient pas tous ses engagements, il n’en demeure pas moins un livre marquant dont on garde en mémoire quelques moments forts. Bref, on ne sera pas sans jeter un œil sur le prochain titre de l’autrice. Celui d’Óðinn, forcément.
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