Sous l'Invitation Ludique, les Évidences de la Langue

Depuis longtemps poète, animateur d'ateliers d'écriture, je suis tombé sur ce Petit Manuel pour Écrire des Haïku et me suis jeté dessus avec l'espoir d'y découvrir quelques secrets qui m'auraient jusqu'alors échappé. Philippe Costa, fasciné par le Japon, y a enseigné le français et se confronte à l'exercice depuis des années. La densité du volume autour d'un format aussi bref et concis que le haïku semblait promettre de merveilleux détours, d'innombrables lumières. La brièveté générale des chapitres concourait du même effet. 
Sans prétention mais avec bienveillance, 

l'auteur nous invite à jouer des mots,

et c'est bien cette approche ludique prédominante qui séduit à travers l'ouvrage. L'ensemble manquant parfois de cohérence tant l'auteur tente de saisir les différents éclats du haïku, ses nombreux attraits et la diversité de ses formes. Philippe Costa nous accompagne, nous, jeunes praticiens français de cet art oriental de l'éphémère et du sublime, tout en défendant ardemment l'idée que le haïku, en forme poétique exigeante, a cette portée universelle et qu'il n'est pas nécessaire de s'y contraindre dans la seule langue de Matsuo Bashō, de Yosa Buson et autres grands maîtres reconnus au pays du soleil levant. Que bien au contraire, la richesse de notre langue s'y adapte sans effort. Et toute l'intelligence de l'auteur est d'essaimer ses chapitres à l'invitation simple, accessible, des innombrables figures de style qu'offre la pratique littéraire, et que même nous pratiquons chaque jour en conversation sans parfois nous en rendre compte.
Ainsi, au-delà des pistes ludiques sur lesquelles Philippe Costa nous invite à pratiquer, ce Petit Manuel pour Écrire des Haïku devient ainsi

un petit rappel des richesses stylistiques

qui s'offrent aux aspirants poètes et écrivains pour parsemer leurs œuvres de cette poésie qui transporte les sens et l'imagination de leurs futurs auditoires, de leurs futurs lecteurs.

 Ce petit manuel est une « boîte à outils » littéraire pour
« bricoler » des haïku. La boîte est complète, c'est-à-dire que les
outils qui y sont contenus rassemblent toutes les connaissances
littéraires théoriques nécessaires pour devenir un haïkiste parfait !
Il n'y manquera qu'un zeste de talent, mais aussi du travail et du
temps. 

La promesse est peut-être galvaudée : je ne puis affirmer que ce petit précis renferme ainsi l'intégralité des connaissances littéraires nécessaires – cela semble même présomptueux tant la littérature reste un art en mouvement. Pour le reste, la lecture de Petit Manuel pour Écrire des Haïku enrichit certainement les perspectives du pratiquant, invite à poser son regard en quelques directions banales mais jusqu'alors omises, et raffermit la confiance en l'absence de grande exigence : hormis ses contraintes formelles, et comme n'importe quel type de texte,

le haïku s'ouvre à tout ce qui nous meut,

à tout ce qui nous anime, à tout ce qui nous environne, bref reste un outil de la parole sans contrainte de thème. S'il n'a pas profondément enrichi ma pratique ni la manière que j'ai d'aborder cet art en ateliers, ce petit livre a le mérite d'inviter à pratiquer, à jouer, et de rappeler au lecteur que toutes ces figures de style aux appellations complexes font déjà partie de sa panoplie. Peut-être pas indispensable, mais extrêmement plaisant.