Phèdre !, avec son point d'exclamation, est une courte pièce méta montée en 2018. Elle se propose, à travers le monologue d'un conférencier un peu farfelu résumant l'argument du Phèdre de Racine, d'introduire auprès d'un public de non-spécialistes surtout une tragédie dont le langage classique constitue en général une barrière infranchissable auprès d'un lectorat non-initié.
Se présentant sous l'habit de la comédie, la pièce aura pour but en environ une grosse heure et demi de balayer les cinq actes de l’œuvre de Racine en citant des morceaux choisis du texte original, accompagnés de gloses comiques ayant en théorie pour objectif de les vulgariser auprès de l'auditoire, jusqu'à ce que la FIN les deux œuvres (les trois en fait, le Racine, le spectacle sur scène et son livret donné au public) se rejoignent dans un geste néo-brechtien à pancarte qui sent bon sa peau de lapin.
Je ne vais pas prétendre ici résoudre le problème complexe de la didactique du théâtre, ni trancher le vieux débat sur les limites que doit se poser la vulgarisation lorsqu'elle désacralise son objet afin de le rendre attrayant ; simplement, j'ai trouvé toutes les vannes envoyées dans ce Phèdre ! absolument consternantes, depuis les calembours en assonances à deux balles du type « Thésée taisez-vous » ou « Thrézène pas très zen », en passant par le burlesque lourdaud dans les adresses au public, les anglicismes à la con et les innombrables références de boomer qui n'ont pas la moindre chance d'intéresser l'un des publics-cibles – quel gamin à qui on n'a pas appris à aimer du théâtre va se taper une barre en entendant convoquer le nom de Bourvil ? Le pompon sur la Garonne ou mon cul c'est du poulet ?
Je suis le premier à utiliser l'argot pour introduire la culture légitime qu'on fait mine par là de descendre de son piédestal artificiel de bourgeois auprès de jeunes qui par principe n'en auront rien à foutre si on ne sait pas leur montrer que ça les concernera aussi sous la ligne de flottaison.
Mais merde, il faut doser. J'ai les mêmes objections que je peux avoir face à la pâmoison que provoquent des affaires aussi limitées que les vidéos de Rochefort qui parle le djeun's ou les spectacles d'Astier.
Ce n'est pas en traînant Phèdre dans la merde de blagues qui se savent sans doute nazes qu'on élève vers elle ceux qu'elle pourrait sublimer. On en fait simplement une pitrerie qui transforme en ampoule ce qu'elle contenait de feu sacré. Et pour quel bénéfice derrière, autre que l'auto-satisfaction toute ferryenne d'avoir fait ricaner le bon plouc en transformant les cothurnes en sabot ? C'est le genre de projets qui puent toujours autant le safari.
Comme s'il fallait rendre le tragique bouffon pour le faire avaler à ces crétins de pauvres.