Ça commençait TELLEMENT bien !!
Pourquoi ? Mais pourquoi cette lente descente vers l’ennui et ce mélange inextricable des thématiques quand une seule, celle de l’adoption, suffisait amplement ?
Oui, tout commençait très bien avec « Philomena », l’histoire vraie d’une jeune fille ayant conçu un enfant hors mariage. En 1952, en Irlande, ça ne le faisait pas du tout, mais alors pas du tout ! Ainsi, pendant les 150 premières pages de ce pavé qui en compte 500, nous suivons la descente aux enfers de Philomena Lee, dans un contexte digne de l’excellent film « The Magdalene Sisters » de Peter Mullan.
Philomena, rejetée par sa famille sur laquelle retombe sa honte d’avoir péché, rejoint ainsi la cohorte des mères célibataires à la destinée similaire enfermées entre les murs des abbayes irlandaises. Pendant trois ans, Philomena ne sera parmi elles rien de plus qu’une prisonnière, incarcérée avec son fils Anthony qu’elle peut voir une heure par jour. Les sœurs, profitant de sa détresse sociale et convaincues de sauver l’âme d’une pécheresse en agissant de la sorte, lui feront renoncer à ses droits sur sa progéniture qui sera confiée, en adoption, à une famille américaine conservatrice.
Pendant ces 150 premières pages, j’ai été emballée. Ce roman aux allures de documentaire sonnait juste, le style de son auteur me plaisait car ce n’était pas celui d’un romancier mais bien celui d’un journaliste. Je me disais : « En voilà un qui n’a pas cherché à étirer la guimauve ! C’est factuel, c’est saisissant, c’est un beau témoignage ». Et, puis, tout à coup… patatra ! Le fameux coup du « soufflet au fromage » ; je n’ai rien vu venir, rien compris sur le moment mais, page après page, j’ai bien dû me rendre à l’évidence : Martin Sixsmith, emporté par son sujet, se prenait non plus pour un journaliste qui a déniché un os particulièrement difficile à atteindre mais bien pour un romancier et là, hélas, son talent ne va pas jusque là, à chacun son métier.
Les deux tiers du roman versent donc illico dans une narration larmoyante et intéressante qui a rapidement fait naître l’ennui. De Philomena, cette femme qui m’a tellement émue au commencement, ne subsiste plus une trace. A la place, voici retracée la vie de son fils adopté, rebaptisé Mike, année après année, dans une succession sans joie de faits et gestes qui pour moi n’ont présenté qu’un intérêt mineur. Et puis, là, la guimauve elle est étirée, pas de doute ! Dans un joyeux mélange, l’auteur touille les problèmes liés au sentiment de rejet et au sentiment d’appartenance de Mike en tant qu’enfant adopté, son homosexualité et sa séropositivité, ses rapports sociaux, son ascension professionnelle, ses opinions politiques… C’est un peu comme si on vous racontait année après année l’existence d’un citoyen américain lambda avec pour objectif de témoigner des changements survenus dans la société américaine, dans ses mœurs, dans son rapport au monde, etc.
J’aurais tellement préféré que l’auteur tisse son roman autour du seul thème de l’adoption mais ses tentatives sont maladroites et donnent à penser qu’il généralise le comportement de tous les enfants adoptés par le prisme d’un seul exemple, celui de Mike. On sent que Mike s’est interrogé sur ses origines et a envie d’en apprendre plus mais comme il n’a pu concrétiser ses recherches que sur la fin de sa vie, il a bien fallu que l’auteur comble le « vide » même si son existence a été bien remplie. La mienne aussi d’ailleurs a été bien remplie, peut-être que je devrais me préoccuper de la coucher sur le papier ?
Côté psychologie (car avec un sujet tel que l’adoption comment se passer de psychologie ?), Martin Sixsmith opte pour les « gros sabots » ; l’approche est convenue, prévisible et généraliste. Là où j’attendais du spécifique, j’obtiens de la globalisation voire de la banalité.
*** ALERT SPOILER***
Ah, si, pour être honnête on retrouvera Philomena en fin de livre, l’espace de quelques pages vite écrites, en un chapitre couvrant presque 40 ans quand on a eu le droit à un voire plusieurs chapitres par année pour son fils. Piètre consolation, l’émotion a eu amplement le temps de retomber.
Bref, « Philomena » n’est pas le phénomène que j’étais en droit d’attendre au vu du titre et du résumé proposés par l’éditeur.
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