L'augure
"Cet autre espace du récit qui serait non pas un espace de représentation (à moins de prendre le mot dans son sens théâtral) mais de présentation, non pas l'espace d'une démonstration mais celui...
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le 8 juin 2018
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Il avait habité dans son enfance à deux pas de chez D.W. Griffith. Il s'exprimait avec douceur et avait un léger accent, sensible dans sa manière de prononcer les "r", commun à de nombreux juifs newyorkais cultivés de sa génération (et qui a totalement disparu de nos jours). Bien qu'il y ait peu d'humour dans ses poèmes, il pouvait lui aussi se montrer très drôle et ponctuait ses plaisanteries d'un haussement de sourcils qui le faisait ressembler à Groucho Marx. Mary et lui ont mené une existence nomade pendant la plus grande partie de leur vie, logeant sur des bateaux, dans des hôtels, des caravanes ou des appartements bon marché qu'ils partageaient avec d'autres familles. Sa vie durant, il a délibérément tourné le dos à l'aisance matérielle qui avait caractérisé son enfance. Il a essayé (et ce n'est pas si facile...) de vivre "honorablement" - le terme est de lui - son destin de poète américain : il n'a jamais enseigné l'écriture ni fait partie du moindre jury, du moindre comité littéraire. Il n'a écrit qu'un seul article critique. Et il a plus souvent refusé de donner des lectures après avoir remporté le prix Pullitzer, à la surprise générale. Dans ses dernières années, il y avait un bout de papier punaisé au dessus de son bureau, qui disait : une seule erreur à votre actif, Ezra ! Vous auriez du parler aux femmes." La dernière phrase que l'on connaisse de lui affirme : "Savoir que nous ignorions tant de choses suffit à mon bonheur".
Il avait navigué toute sa vie - il construisait ses bateaux lui-même - et lorsqu'il est apparu parmi nous dans les années 1960 on aurait dit le survivant d'un naufrage, un Robinson de retour au bercail après avoir traversé le désastre et qui considérait désormais le monde avec plus d'intensité, ne sachant plus les réponses et se débattant avec l'articulation exacte de ses doutes. Un jour, chez mes parents, un vieil ami à eux venu leur rendre visite remarqua un exemplaire d'un petite revue que j'avais éditée et s'exclama : " George Oppen ! Cela fait des années que je n'ai plus entendu parler de lui...J'ignorais qu'il écrivait des poèmes."
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le 10 août 2019
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